L’ancien président de la République kalmouke, Kirsan Ilioumjinov, comptait Mouammar Kadhafi et Bachar el-Assad parmi ses interlocuteurs. Ce qui ne l’empêche pas de présider parallèlement la Fédération internationale des échecs (FIDE) et de mener des affaires florissantes avec des entreprises occidentales.

Depuis qu’il a quitté la politique après quatre mandats à la tête de la Kalmoukie, Kirsan Ilioumjinov, 50 ans, est retombé dans ses souliers d’homme d’affaires. Probablement ne les a-t-il jamais quittés, tant l’extravagant amateur d’échecs aime mener de front les activités les plus diverses. Mais cet été qui s’achève a certainement été le plus intense de sa carrière. Son nom a orné sans discontinuer les titres de la presse d’affaires. Le 19 juin, la presse a rapporté qu’il était devenu le propriétaire de 52% du groupe bulgare Petrol Holding (second réseau de stations d’essence du pays). Le 10 juillet, il révèle avoir acquis une part dans le français Sucden, l’un des plus gros négociants mondiaux de sucre. Trois jours plus tard, Kirsan Ilioumjinov annonce la constitution avec la société britannique Ashmore Group d’un fonds d’investissement de un milliard de dollars. Fonds dont l’ambition est de récolter jusqu’à 10 milliards de dollars, qui seront investis en ex-URSS et en Asie. Trois jours plus tard, il émerge au bras du président pakistanais, signant avec lui un contrat d’investissement de 5,5 milliards de dollars pour le développement d’un gisement de charbon.

Aussi en Suisse

Lorsqu’il a rencontré le président pakistanais en juillet, Ilioumjinov a proposé de développer le gisement de charbon Tar au moyen d’un crédit de 5,5 milliards de dollars fourni par Crédit Méditerranée. Cette société financière a été fondée à Genève en mars. La banque gère un fonds de 2,5 milliards de dollars et Ilioumjinov figure comme l’un des investisseurs, tandis que les autres, selon le quotidien Vedomosti, sont des «multimillionnaires d’Asie du Sud-Est et de pays arabes». Crédit Méditerranée est aussi l’instrument financier à travers lequel Ilioumjinov a pris le contrôle du groupe bulgare de stations-service Petrol.

D’où viennent ses ressources? Kirsan Ilioumjinov reste très discret sur ce point, affirmant agir en tant qu’intermédiaire. Sa botte secrète? Un carnet d’adresses contenant, selon ses dires, «la moitié des noms de la liste Forbes [recensant les milliardaires]». Son astuce serait de ne pas investir son propre argent, mais de faire rétribuer ses services par des participations dans les sociétés qu’il aide. Un moyen d’éviter l’accusation d’abus de pouvoir, pour cet homme suspecté d’avoir utilisé son ancien poste de président de la République de Kalmoukie (de 1993 à 2010) pour faire fortune. La Kalmoukie est l’un des 83 sujets de la Fédération de Russie. Pendant son règne, Kirsan Ilioumjinov en a fait un paradis fiscal, attirant ainsi de gigantesques flux financiers.

Remercié en 2010 de son poste de président par Dimitri Medvedev, il est devenu un électron libre se servant de son entregent pour tenter de résoudre des conflits. Il a été envoyé comme émissaire officieux chez le dictateur libyen Kadhafi, ainsi que chez Bachar el-Assad.

Kirsan Ilioumjinov s’appuie sur des réseaux, notamment à partir du MGIMO, la prestigieuse grande école des diplomates russes, où il a étudié. Et surtout grâce à sa présidence de la Fédération internationale des échecs, dont il se sert comme d’une diplomatie personnelle et globale depuis 1995. Sans la représenter, Kirsan Ilioumjinov illustre à quel point le monde des affaires russe est loin de la normalisation.