Energie
Ce mardi entre en vigueur un texte qui fixe un prix plancher aux panneaux chinois vendus en Europe. Les industriels européens le jugent insuffisant, mais Swissolar s’en réjouit
Diversement salué, l’accord entre Bruxelles et Pékin sur les panneaux solaires entre en vigueur ce mardi. Cette «solution amiable», «ciblée et novatrice» va «restaurer la stabilité» sur le marché mondial du solaire, estime son principal architecte, le commissaire européen en charge du Commerce Karel de Gucht. L’industrie suisse, elle, y voit une «amélioration bienvenue de la visibilité sur le marché». «Cet accord est inutile», tranche pour sa part Matthias Fawer, analyste en développement durable à la Banque J. Safra Sarasin.
L’accord, qui vise à protéger l’industrie européenne contre la concurrence chinoise jugée déloyale, a reçu vendredi dernier la validation attendue de la Commission européenne. Un prix plancher sera imposé dès ce mardi aux producteurs chinois de panneaux solaires. Officiellement, aucun chiffre n’est dévoilé. Si certains détails restent encore flous, chaque watt supplémentaire possiblement produit par le panneau solaire devrait coûter au minimum 56 centimes d’euro. De plus, les fabricants asiatiques ne pourront exporter que l’équivalent de 7 gigawatts (GW) de panneaux solaires. En 2012, l’Europe en a installé quelque 17 GW mais n’en prévoit que 10 GW en 2013. En Suisse, environ 0,2 GW d’installations devraient être posées en 2013.
Un tiers des entreprises chinoises ont déjà déclaré qu’elles ne respecteraient pas ce plancher. Dès mardi, ces dernières seront donc soumises à la taxe antidumping annoncée en juin. Cette taxe instaurée par Karel de Gucht doit ponctionner chaque panneau solaire chinois débarquant en Europe à hauteur de 47,6%. Rien de moins qu’une «déclaration de guerre», avaient alors jugé les médias chinois. Au début de l’été, Pékin a d’ailleurs riposté en ouvrant une enquête antidumping sur les importations de vins étrangers en Chine.
L’accord signale «la stabilisation du marché. C’est important», se réjouit David Stickelberger. Le patron de Swissolar – association représentant l’industrie suisse active dans le solaire – juge que ce prix de 56 centimes est «acceptable». «Cela va même permettre à certaines entreprises chinoises de cesser de vendre leurs panneaux à perte», selon lui.
Pour l’industrie suisse, les effets de l’accord seront plutôt indirects. «Le marché se stabilise, cela améliore la visibilité pour les entreprises suisses. Maintenant, l’un des principaux facteurs d’incertitude pour l’industrie a disparu, mais il en reste d’autres: à commencer par les élections allemandes de cet automne» et du soutien au solaire qui en découlera, souligne encore David Stickelberger.
«Je n’ai jamais été un grand fan de la taxe» de Karel de Gucht, explique Matthias Fawer. Pour l’analyste, les cellules photovoltaïques «représentent aujourd’hui une matière première comme une autre: l’Europe n’arrivera jamais à être compétitive dans ce domaine, c’est un deuil qu’il lui faut faire. Dans tous les cas, ce ne sont pas ces taxes et ces accords qui vont permettre de sauvegarder des emplois en Europe.» Les Européens devraient cesser de se disputer sur ce terrain et «se concentrer sur des projets de recherches et développements», note Matthias Fawer.
Les industriels européens continuent pourtant de se battre. «Les membres de la Commission européenne se sont fait avoir», a tonné ce week-end l’association EU ProSun. Ce lobby de l’industrie solaire européenne s’est dit «forcé» d’attaquer un accord jugé insuffisant, et qui prépare de nouvelles faillites en Europe. L’Afase, l’autre coalition d’entreprises européennes actives dans le solaire, craint que ce prix de 56 centimes ne «mette en péril les projets d’installations commerciales». Ce montant «n’est pas durable» et «ne tient pas compte des réductions de coûts que va continuer de subir le marché des panneaux solaires», a déploré lundi un porte-parole.
«Les cellules photovoltaïques sont aujourd’hui une matière première comme les autres»