Lisa Mazzone ne décolère pas. Si cela ne tenait qu’à elle, la conseillère genevoise aux Etats et vice-présidente des Verts lancerait un référendum contre l’aide de la Confédération au secteur aérien pour atténuer l’impact de la pandémie de Covid-19. Son parti a même déjà fait un premier pas et sondé ses membres et sympathisants en vue d’une telle consultation sous l’enseigne «La vie avant les avions».

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En traitant cette aide dans le cadre d’un «vote d’urgence», le Conseil fédéral ne laisse pratiquement pas de marge de manœuvre pour une quelconque contestation. «C’est regrettable de ne pas avoir un espace démocratique pour débattre du soutien privilégié à l’aviation, a-t-elle dénoncé lundi, peu avant les délibérations dans les deux Chambres. Dans son discours liminaire en début d’après-midi devant le Conseil des Etats, Liza Mazzone a affirmé qu'«il était temps que le parlement reprenne ses droits. Le débat est nécessaire et il doit avoir lieu.»

Oui à l’aide, mais pas sans conditions

L’élue verte ne s’arrête pas là. Elle relève que les parlementaires n’ont reçu les documents pour les travaux de la semaine que jeudi après-midi, soit seulement deux jours ouvrables avant les travaux. «Dès lors, les conditions ne sont pas réunies pour mener un débat fondé, accuse Lisa Mazzone. De toute évidence, le Conseil fédéral s’est déjà entendu avec les entreprises concernées et le parlement n’est appelé qu’à se prononcer de façon symbolique. Nous déplorons cette occasion ratée pour mettre le secteur aérien sur une voie respectueuse de l’environnement et des riverains.»

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Sur le principe, les Verts ne s’opposent pas à l’aide au secteur aérien: 1,275 milliard de francs aux transporteurs Swiss et Edelweiss, auxquels s’ajoutent 600 millions pour les services aéroportuaires connexes. Mais ont souhaité poser quelques conditions. «Le secteur aérien bénéficie depuis des années déjà de privilèges en ne payant aucune taxe sur le carburant pour les vols internationaux, relève Lisa Mazzone. Nous accepterons d’apporter un nouveau soutien public uniquement si c’est pour le réorienter fondamentalement en le rendant compatible avec nos objectifs climatiques.» Selon elle, le Conseil fédéral a renoncé à tout changement de trajectoire et fait la sourde oreille à des propositions pour rendre le secteur plus responsable.

Les propositions d’amendement rejetées

Le Parti socialiste est sur la même longueur d’onde que les Verts et avait aussi évoqué le lancement d’un référendum si l’aide publique au secteur aérien était inconditionnelle. Pour le conseiller national vaudois Roger Nordmann, chef du groupe parlementaire socialiste, elle doit être liée non seulement aux questions environnementales, mais aussi à la préservation et la valorisation de places de travail. «Certains travailleurs au sol ne touchent pas plus de 4000 francs par mois», dénonce-t-il.

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Le député vaudois regrette également que le Conseil fédéral, en adoptant la voie urgente, ait rendu le lancement de toute contestation difficile. Selon lui, un référendum peut être lancé, mais cela n’empêchera pas les mesures d’aide d’entrer en vigueur immédiatement après le vote des deux Chambres. Une suspension de ces mesures pourrait intervenir si celles-ci étaient sanctionnées par les urnes. Une telle procédure référendaire durerait une année au minimum.

«Nous reviendrons à la charge»

Le camp rose-vert a déposé lundi au Conseil national une dizaine de propositions d’amendements pour lier l’aide publique au climat. Pour leur part, les partis de droite, majoritaires, ont défendu le besoin de relancer l’économie le plus vite possible. Le Conseil national a voté l'aide pour Swiss et Edelweiss par 116 voix contre 77. La Commission des Finances a tout de même fait un pas en leur direction. Elle a proposé de préciser que «le soutien financier sera accordé à la condition que, dans le cadre de la future collaboration avec les compagnies aériennes, les objectifs climatiques du Conseil fédéral fassent l’objet d’un contrôle et soient développés.» Pour les Verts et les socialistes, il s’agit d’un engagement trop vague.

Des organisations environnementales sont également déçues. Dans une lettre ouverte «Pas de traitement préférentiel pour le transport aérien», une cinquantaine d’entre elles avait demandé début avril au Conseil fédéral de ne pas privilégier le transport aérien par rapport aux autres secteurs. «Dans les circonstances actuelles, la question d’un référendum ne se pose malheureusement plus, regrette Stéphanie Penher, responsable Politique des transports à l’ATE, organisation signataire de la lettre ouverte. Mais nous reviendrons à la charge lors de débats sur la future loi sur l’émission de gaz à effet de serre. Nous veillerons à ce que chaque dépense publique respecte les critères de la durabilité.»

Collaboration: Bernard Wuthrich, à Berne