La politique énergétique de l'Allemagne, basée sur la poursuite d'une sortie rapide et complète du nucléaire d'ici sept ans et une aide financière massive aux investissements dans l'éolien et le photovoltaïque, est un semi-échec, constate Peter Ramsauer. Ancien ministre allemand des transports et président de la commission de l'énergie du parlement allemand, invité lundi à Berne dans le cadre du Forum suisse de l'énergie, il a fait part de ses préoccupations à deux journalistes, dont le représentant du Temps.

La transition énergétique allemande est rapide et brutale. «C'est aussi une aventure très coûteuse», affirme l'ancien ministre. «Très mal coordonnée avec les pays voisins et non accompagnée du renforcement accéléré du réseau de transport d'électricité entre le nord et le sud de l'Allemagne, elle occasionne des tensions entre les Länder mais aussi sur le marché européen de l'électricité», constate-t-il.

Prix de gros cassé

Le prix de gros du courant est cassé et découplé du prix du marché par les subventions de l'éolien et du photovoltaïque qui représentent 23 milliards d'euros par an sur la base d'un supplément de 6,3 centimes d'euro par kWh consommé en Allemagne, taxe principalement à charge des ménages.Une partie de la production hydroélectrique suisse est ainsi devenue non rentable, ce qui dissuade les entreprises d'investir dans de nouvelles installations pour constituer des réserves d'énergie utiles à l'équilibre des flux de courant au centre de l'Europe. Le prix du kWh sur le marché européen se situe autour de 5 centimes alors que les coûts de production d'hydroélectricité suisse varient entre 6 et 9 centimes. Une aide fédérale de 300 millions de francs par an est prévue.

«La sortie précipitée du nucléaire en Allemagne est en partie responsable de cette situation, explique Peter Ramsauer. L'arrêt de neuf centrales en 2011 était une réaction de panique suite à Fukushima.» Le président de la commission de l'énergie du Bundestag vante les mérites de la Suisse qui a choisi de sortir lentement du nucléaire sans date butoir, en utilisant les centrales existantes tant qu'elles seront techniquement sûres.

«Et puis, sortir du nucléaire tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre est tout simplement impossible», constate Peter Ramsauer. L'énergie renouvelable d'origine éolienne ou photovoltaïque, aléatoire, ne permet pas de remplacer le courant de base (en ruban) fourni par le nucléaire. Ce rôle est en grande partie assuré par des centrales fonctionnant à la houille et au charbon qui fournissent encore 44% de la production d'électricité allemande, malgré la progression de la part des énergies renouvelables qui représente aujourd'hui 26% contre 6% il y a quinze ans.

«La loi sur l'aide aux énergies renouvelables (EEG), révisée une dizaine de fois, est devenue beaucoup trop complexe. Le système, excellent à son lancement pour entamer la sortie du nucléaire, menace aujourd'hui d'exploser car il a attiré des investisseurs grâce à des rendements financiers garantis beaucoup trop généreux», affirme Peter Ramsauer.

«Il est sage de valoriser
les barrages»

Que peut faire la Suisse face à cette déstabilisation du marché et à la dévalorisation de l'hydroélectricité? «En tant que Bavarois je n'ai pas de conseil à donner à un pays voisin, mais je pense qu'il est sage de valoriser les barrages qui constituent pour l'instant le seul moyen fiable de stocker de l'énergie éolienne ou photovoltaïque, note l'ancien ministre. Hélas en Allemagne ce type d'installation n'est pas soutenu financièrement.»

Les projets de construction de plusieurs lignes à haute tension indispensables pour acheminer le courant éolien de la mer du Nord au sud de l'Allemagne et le photovoltaïque de la Bavière au nord selon les conditions de production aléatoires de ces énergies se heurtent à de très nombreuses oppositions. «Ces procédures sont tellement longues et compliquées, même si on décide d'enterrer une partie des lignes à prix d'or, que la pression, à la fois technique et financière, de la politique énergétique allemande sur les pays voisins, ne va pas diminuer», assure Peter Ramsauer.