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L'Allemagne renoue modérément avec la croissance

Un taux de 1,5% est pronostiqué pour 2004 et 2005, pas assez pour permettre au pays de respecter le Pacte de stabilité

L'économie allemande se remet à croître, mais lentement, modérément, et dans un climat labile. Un jour, l'espoir est de mise. Le lendemain, la retenue s'impose. Lundi, le bon moral des patrons allemands surprenait tous les experts. Le lendemain, les six instituts de prévision conjoncturelle révisaient à la baisse leur pronostic de croissance pour 2004: 1,5%, contre 1,7% annoncé en octobre dernier. Cette alternance de chaud et de froid souffle depuis plusieurs semaines sur l'Allemagne, plus grande économie de la zone euro et premier partenaire commercial de la Suisse.

La reprise se dessine, mais notre voisin patientera encore longtemps pour renouer avec une croissance robuste. Il est «improbable» que la croissance allemande dépasse 1,5% en 2005 aussi. Une déception. Principale explication: le moteur allemand manque de carburant. La demande intérieure est en berne. Les ménages se retiennent de consommer et le taux d'épargne reste stable, à un niveau élevé. Même la baisse de la pression fiscale appliquée dès janvier 2004 n'a pas d'impact. Les Allemands sont tétanisés par la potion amère que le gouvernement leur a prescrite. Contraints à des sacrifices – retraite rabotée, participation aux frais médicaux, allocations de chômage diminuées –, ils n'ont pas confiance dans l'avenir.

L'Etat ne donne pas l'exemple. Etranglés par les déficits, les pouvoirs publics – Etat fédéral, Länder et communes – réduisent leurs investissements. Exemple dans la construction: –3,7% en 2004; –1% en 2005. Le gouvernement n'a pas de marge de manœuvre, la consolidation financière prenant du retard. Cette année, mais aussi en 2005, l'Allemagne échouera à respecter la limite qui fixe à 3% le déficit maximal autorisé par le Pacte de stabilité. Les six instituts pronostiquent un bilan négatif en 2004 (–3,7%), mais aussi en 2005 (–3,5%). Pour tenir ses engagements européens, des économies supplémentaires seraient nécessaires, pour 5,5 milliards d'euros cette année, puis encore pour 6,5 milliards d'euros en 2005.

La bonne nouvelle, c'est la santé des exportations. Elles bondiront de 5,3% et 5,4% en 2004 et 2005. L'industrie allemande profite de la croissance vigoureuse en Chine, en Asie, en Russie et en Europe centrale et orientale. Même l'euro fort ne pénalise pas trop les industriels allemands, ce qui prouve leur compétitivité. L'inflation, contenue comme nulle part ailleurs dans la zone euro (1,3% cette année, 1,2% en 2005), favorise aussi des prix concurrentiels. La reprise des dépenses d'équipement est l'autre signe positif. Les patrons allemands investissent, signe qu'ils sont optimistes. La tendance s'est inversée pour la première fois à la fin 2003. Elle se consolide cette année (+1,4%), et devrait s'accélérer en 2005 (+5,4%). La reprise sera toutefois trop faible pour que le taux de chômage, certes en recul, passe sous le seuil psychologique de 10%.

Comment stimuler la croissance? Le gouvernement est invité à poursuivre les réformes, mais sans pénaliser systématiquement les ménages. Dans la santé, les prestataires de soins ont jusqu'à présent été épargnés… De gros efforts restent nécessaires pour maîtriser les dépenses sociales. Trop de subventions et de privilèges fiscaux subsistent, sans justification économique. Le dilemme de la politique financière divise les experts. Deux instituts donnent la priorité à la relance sur le désendettement; quatre autres plaident pour une réduction drastique des dépenses, sans égard pour la demande intérieure. Un aveu qu'il n'existe pas de solution simple!