Gary Winnick, 54 ans cette année, avait fondé en 1997 la compagnie qui a fait un temps sa fortune. Cet ancien collègue de Mike Milken chez Drexel Burnham Lambert (le sorcier des «junk bonds») avait été décrit il y a deux ans par la presse américaine comme l'homme qui avait le plus rapidement bâti sa fortune dans l'histoire du pays. Mais les milliardaires en dollars de l'ère de la Nouvelle Economie se retrouvent souvent aujourd'hui propriétaires de sociétés écrasées par autant de dettes. Gary Winnick, qui se voit mis de côté par les nouveaux propriétaires de Global Crossing, n'échappe pas à la règle. L'ardoise de Global Crossing atteint 12 milliards de dollars.
L'entrepreneur, et les cinq CEO qui se sont succédé en quatre ans, n'ont pas réussi à faire face à la baisse de la demande. Le concept de croissance de l'entreprise reposait sur un besoin en hausse constante de capacités pour transporter les données, que ce soit de la voix, du texte ou des images. Mais le ralentissement économique a mis un frein à l'explosion de l'échange d'informations, alors même que dans ce secteur très concurrentiel, la surcapacité est de mise. Résultat, Global Crossing n'a jamais fait de bénéfices et elle totalise près de 6,5 milliards de pertes depuis son lancement opérationnel en 1998.
Un plan de restructuration accompagne la reprise en main annoncée hier. Officiellement, toutefois, celui-ci ne devrait entraîner ni licenciements ni interruption du service ou du paiement des salaires, a affirmé John Legere, le PDG de Global Crossing. Ce que confirme Peter Lundin à Zurich en ce qui concerne les activités de la firme en Suisse, qui emploie moins de 50 personnes. La proposition d'investissement des repreneurs asiatiques est encore conditionnée à la confirmation du plan de restructuration par le Tribunal des faillites de New York et par la Cour suprême des Bermudes. Une décision doit être prise avant la fin du mois d'août 2002.
L'homme d'affaires chinois Li Ka-Shing, qui s'est déjà distingué en octobre 1999 lorsqu'il a empoché 14,6 milliards de dollars en revendant ses 45% du capital d'Orange, parviendra-t-il à relever Global Crossing? Les actionnaires, qui ont vu le titre coté au Nasdaq passer de plus de 64 dollars au plus haut en mai 1999 à 28 cents au moment de la suspension de la cotation hier (soit une perte boursière estimée à plus de 40 milliards de dollars), veulent y croire.