L'avenir de l'euro s'annonce sombre malgré l'intervention attendue de la BCE
POLITIQUE MONETAIRE
La devise est tombée hier sous la barre de 0,89 dollar. Prévisions de croissance en baisse, inflation en hausse: même les banquiers centraux semblent démunis
La Banque centrale européenne (BCE) doit résoudre la quadrature du cercle. Ce constat d'impuissance, émis par Mike Moran, économiste à la Banque Standard Chartered et cité par Bloomberg, résume bien la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui plus que jamais l'institut d'émission de la zone euro. Témoin: la monnaie unique, très faible ces deux dernières semaines, a glissé mercredi sous le seuil de 0,89 dollar – avant de se reprendre –, proche de son plus bas historique face au billet vert touché le 4 mai dernier à 0,8846 dollar. L'euro est également tombé au plus bas face au yen depuis son lancement en janvier 1999 à 94,09 yens. Pire, au dire des analystes, le chemin de croix de la monnaie unique n'est pas terminé.
Paradoxe
L'euro risque en effet de tester un nouveau record historique à la baisse. Paradoxalement, c'est l'anticipation d'une hausse des taux de la Banque centrale jeudi à l'issue du premier conseil des gouverneurs de la rentrée qui fragilise la devise. Dans un contexte d'euro faible et de flambée pétrolière, la quasi-totalité des analystes s'attende à un relèvement du principal taux d'intérêt de la BCE, actuellement à 4,25%.
En général, les opérateurs spéculant à court terme se réjouissent des perspectives de resserrements monétaires puisqu'ils renchérissent la rémunération des placements, attirant ainsi davantage de capitaux sur le continent concerné. Rien de tel aujourd'hui. Car l'on craint sérieusement qu'une hausse de taux – surtout de 50 points de base comme cela pourrait être le cas – ne prétérite la croissance économique européenne. On se rappelle que la semaine dernière, les mauvais résultats du baromètre conjoncturel allemand, l'Ifo, avaient jeté un froid sur les perspectives de progression du PIB dans la zone euro. Visiblement, la présentation mardi d'une excellente croissance au premier semestre outre-Rhin n'a pas rassuré autant qu'on aurait pu le penser.
«L'euro est très vulnérable, reconnaît Tamiko Bayliss, stratégiste à la Commerzbank, citée par l'AFP. Même si une hausse des taux est maintenant intégrée par le marché, le sentiment reste très négatif et cela risque d'être une excuse pour vendre de l'euro. Et il est très probable qu'il chute sous le seuil de 0,88 dollar.»
En fait, il semble que quoi que fasse la Banque centrale européenne, la monnaie unique continuera sa noyade à court terme. D'après une économiste londonienne, «la Banque est dans une situation où elle perd à tous les coups: une hausse de 25 points de base sera considérée comme une réaction frileuse. Mais elle doit faire quelque chose pour essayer de soutenir l'euro et maîtriser l'inflation». En revanche, une hausse de 50 points de base sera considérée «comme trop agressive pour la croissance», ajoute-t-elle. «Ce que nous risquons de voir, c'est une vente d'euros dans les deux scénarios.»
Un point de vue partagé par Sonja Hellemann, stratégiste chez Dresdner Kleinwort Benson. Elle table sur un relèvement de 25 points de base, mais si la BCE «les augmente de 50, ce sera négatif pour l'euro car les investisseurs sont désormais persuadés que la croissance européenne a atteint un pic». Car c'est bien là le problème, ou plutôt la désillusion: «Les prévisions de croissance européenne, qui étaient généralement très optimistes pour l'année prochaine, sont maintenant revues à la baisse. Au moment où l'inflation repart à la hausse, tout ça n'est globalement pas très bon pour l'euro», ajoute-t-elle.
Et que se passerait-il si la Banque décidait de maintenir ses taux inchangés? «Quoi qu'il arrive, l'euro devrait en pâtir car toutes les raisons sont bonnes pour vendre de l'euro et acheter du dollar», selon Sonja Hellemann.
Achats aux Etats-Unis pénalisants
Et comme si ce qui ressemble bien à un abandon de l'euro par les investisseurs – ils continuent décidément de céder aux charmes des sirènes d'outre- Atlantique où la croissance est autrement plus vigoureuse qu'en Europe – ne suffisait pas, l'annonce du rachat du roi américain des obligations pourries par le Credit Suisse Group a achevé le travail de sape. La banque suisse devra en effet acheter une masse importante de dollars pour réaliser la transaction (évaluée à plus de 13 milliards de dollars). Au-delà de toute considération macro-
économique, la mode européenne des achats aux Etats-Unis ne peut que pénaliser davantage l'euro.