Géopolitique des fruits (6/8)
Le fruit originaire d’Amérique centrale pousse désormais à travers les tropiques, où il consomme énormément d’eau. Son impact sur l’environnement est d’autant plus néfaste qu’il n’a jamais été autant prisé, notamment en Suisse et malgré la pandémie

Indigènes ou exotiques, les Suisses adorent manger des fruits. Chaque semaine de l'été, «Le Temps» raconte leur histoire, détaille les filières et analyse leur consommation.
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S’il est un fruit qui a la cote, c’est bien l’avocat. Chaque année depuis 2003, la Suisse en importe davantage, dans une spirale spectaculaire: en 2003, 3,4 millions de kilos de cette denrée exotique riche en potassium avaient été acheminés sous nos latitudes, un chiffre qui a franchi la barre des 16 millions l’an dernier. Depuis six mois, la hausse est plus folle encore. Rien n’arrête les avocats, pas même la pandémie.
Pour s’assurer qu’ils arrivent tout au long de l’année, c’est tout un calendrier logistique: l’automne et l’hiver, ils proviennent d’abord du Chili et du Pérou, l’été du Pérou et le printemps d’Espagne. En 2019, ils ont fait le voyage depuis quarante pays, des contrées susmentionnées mais aussi d’Israël, du Mexique, ou encore d’Afrique du Sud. Les exportations suisses? Minimes, on consomme tout sur place, entre salades et guacamoles.
Prix record cette année
Les tarifs sont historiquement hauts: à 3,95 francs le kilo (selon nos calculs, à partir des données douanières) en mai, on a atteint un record en Suisse. A l’international aussi, les prix flambent, les gens confinés en ayant beaucoup acheté, selon Bloomberg.
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Mais les écologistes ne peuvent les savourer la conscience tranquille. Car bio ou non, l’avocat est un boit-sans-soif: pour un kilo de salade, il faut compter 130 litres d’eau, un chiffre qui grimpe à 180 pour autant de tomates. Pour un kilo d’avocats, on flirte avec les 1000 litres, or dans les pays producteurs, l’eau manque souvent. Les fruits sont en général triés – au moindre défaut on les jette – puis stockés dans un conteneur réfrigéré à 4,5 degrés, où le taux d’humidité et la concentration de CO2 sont strictement contrôlés. En camion, en bateau, puis à nouveau en camion, les caisses sillonnent la planète avant que les denrées climactériques ne soient placées en mûrisserie et triées une nouvelle fois. Côté parcimonie alimentaire, on repassera.
Comment être sûr que les avocats sur les étalages n’ont pas été arrosés de pesticides? «La liste des principaux pays d’origine des avocats nous donne déjà des éléments de réponse», relève Géraldine Viret, porte-parole de l’ONG Public Eye. Au Brésil, un tiers des pesticides autorisés dans l’agriculture sont interdits en Europe; au Chili, de nombreux pesticides nocifs demeurent autorisés, idem au Pérou.
Une situation à l’origine de deux interpellations à Berne, portant sur les résidus de pesticides dans les aliments et sur les exportations de pesticides interdits. Elles ont été déposées par des députées vertes en mai.