Mercredi, lors du dernier jour de la 11e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), un groupe de 70 pays s’est formé pour faire avancer les travaux sur le commerce en ligne. Il est composé de la Suisse, de l’Union européenne, des Etats-Unis, ainsi que de pays en développement.
Le commerce électronique faisait partie des discussions générales à l’OMC depuis 1998. A cette époque, Google venait d’être fondé, Facebook et Alibaba n’avaient pas encore vu le jour. En vingt ans, ce secteur a connu un essor exponentiel qui lui permet de dominer aujourd’hui les marchés mondiaux.

Sur Twitter, Cecilia Malmström, la commissaire européenne au Commerce, est euphorique. «C’est un moment historique, c’est un contre-pied stimulant à la morosité. 70 pays ont joint leurs forces pour que l’OMC prenne un rôle concernant le commerce électronique. Seuls des lois communes et des engagements peuvent nous aider à récolter tous les bénéfices de l’e-commerce. Il affecte tous les aspects de nos échanges.»

«Aider les PME»

Pour Johann Schneider-Ammann, même si les conditions-cadres doivent être définies, la volonté des 70 pays est d’aller de l’avant. «Il faut augmenter l’efficacité des technologies à disposition. Le fait que l’on parle désormais de la numérisation est un progrès. Pour la Suisse, c’est important. Nous sommes des leaders dans la formation et l’innovation. Nos étudiants des EPF sont recherchés par des géants comme Google», relève le ministre de l’Economie, présent à Buenos Aires. La Suisse aimerait aussi s’impliquer dans la protection des consommateurs, la lutte contre les spams et la promotion des signatures électroniques.

Pour Jack Ma, le fondateur du site d’e-commerce chinois Alibaba, également présent, le commerce électronique est «la solution de l’avenir». Pour cette raison, l’entrepreneur qui représente aussi la Plateforme mondiale pour le commerce électronique (eWTP) a annoncé lundi le lancement d’une initiative en collaboration avec le World Economic Forum et l’OMC.

«Atteinte à la souveraineté» dénoncée

Pour Isolda Agazzi de l’ONG suisse Alliance Sud, le problème n’est pas le commerce électronique, mais sa libéralisation à outrance, qui permet d’asseoir la domination des géants d’Internet. Ce type de projet avait déjà échoué dans des négociations plurilatérales.

«Dans une proposition soumise à l’OMC en 2016, les Etats-Unis proposaient notamment d’interdire les taxes douanières sur les produits numériques et l’obligation de stocker les données dans le pays. Ils voulaient donner aux multinationales étrangères comme Google et Facebook le droit de commenter à l’avance tout projet de loi et de règlement, explique Isolda Agazzi. Nous ne connaissons pas les objectifs de ce groupe de pays, mais cela va probablement aller dans le même sens. C’est une atteinte à la souveraineté des Etats, à leur capacité de réguler, de défendre la sphère privée et de garder une marge de manœuvre pour le développement.»

Le groupe des 70 pays devra encore convaincre les autres membres de l’OMC de démarrer des négociations. Ce processus pourrait toutefois prendre encore des années.