Les Britanniques se sont réveillés vendredi avec une mauvaise nouvelle: la chaîne de grands magasins House of Fraser, 59 enseignes au total, s’est mise en faillite, avec à la clé la suppression de 17 500 emplois. Toutefois, dans la journée, Sports Direct, spécialiste des articles de sport, a fait part de son intention de reprendre la société, fondée en 1849 à Glasgow.

Les difficultés de House of Fraser ne devraient étonner personne. Dans les centres-villes comme dans les malls, dont raffolent les Britanniques, des dizaines de commerces mettent la clé sous le paillasson. La concurrence des sites en ligne n’en est qu’une des raisons. L’autre, et ce n’est pas la moindre: la prudence des consommateurs liée à l’incertitude sur le Brexit – la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE).

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Ces doutes se sont amplifiés cette semaine. Dimanche dernier, le ministre britannique du Commerce international, Liam Fox, a estimé que l’hypothèse d’un Brexit sans accord (No Deal) était désormais la plus probable. Une telle déclaration n’est pas sans conséquence. Dès le début de la semaine, la monnaie britannique a dévissé par rapport au billet vert. Vendredi, il fallait 1,27 dollar pour une livre, contre 1,30 lundi. Le 23 juin 2016, date à laquelle une majorité des Britanniques avait voté en faveur du divorce avec l’UE, la livre valait 1,48 dollar.

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«La monnaie britannique avait retrouvé une stabilité et même des couleurs. Et ce, après l’accord entre Londres et Bruxelles le 19 mars dernier sur la période de transition qui débutera le 29 mars 2019 et se prolongera jusqu’à décembre 2020, explique Nicolay Markov, économiste senior chez Pictet Asset Management. Cet accord était l’assurance d’une sortie ordonnée du Royaume-Uni de l’UE. Il prévoyait de futures relations bilatérales proches de ce qu’elles sont à présent.»

Consensus envolé

Mais depuis, un problème est intervenu au sein même du gouvernement britannique. Début juillet, le consensus s’est envolé et désormais, il n’y a plus de clarté sur le scénario du Brexit. Nikolay Markov fait noter qu’en cas de «No deal», le produit intérieur brut perdrait 3,5% sur une période d’une année, selon des estimations. Soit 3320 livres pour chacun des 60 millions de ménages du Royaume-Uni.

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«La Banque d’Angleterre (BoE) n’aurait pas dû remonter ses taux la semaine dernière, poursuit l’économiste de Pictet. Il ne lui était pas nécessaire non plus d’annoncer trois nouvelles hausses. On voit qu’elle donne la priorité à la stabilisation des prix plutôt qu’au soutien à l’économie.»

Eclaircie de passage

Pour Julien Pinter, chercheur à l’Université Paris 1 et membre du centre d’analyse BSI Economics, «s’il n’y a pas d’accord sur le Brexit, la croissance britannique sera sérieusement atteinte, au point de potentiellement pousser la BoE à baisser le taux et donc à faire le chemin inverse». Il rappelle que le gouverneur Mark Carney avait prévenu en juillet qu'«un «No deal» pourrait entraîner des baisses des taux dans l’urgence».

En fin de matinée vendredi, l’Office des statistiques nationales (OSN) a relancé le débat sur la croissance britannique. En effet, le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 0,4% au deuxième trimestre de 2018, contre 0,2% entre janvier et mars. Un analyste relativise cette hausse et va jusqu’à affirmer que les dépenses des ménages ont augmenté en raison de la météo, de la Coupe du monde de football, lors de laquelle l’équipe d’Angleterre est arrivée en demi-finale, ainsi que du mariage royal entre l’actrice Meghan Markle et le prince Harry. L’embellie ne serait ainsi qu’une éclaircie passagère.