Gestion de fortune
La frustration exprimée par la Réserve fédérale américaine (Fed) quant à la progression du marché du travail durant l’été aura marqué un tournant dans son approche. Le but est de contribuer activement à une amélioration plus rapide du marché du travail
Alors que les politiques fiscales ont rapidement atteint leurs limites durant la crise, les banques centrales ont développé une approche plus audacieuse pour soutenir la croissance.
L’anticipation de telles décisions de politique monétaire en devient d’autant plus primordiale dans un contexte d’allocation d’actifs. Après avoir vu leurs taux directeurs s’approcher du seuil «zéro», les banques centrales ont opté dans un deuxième temps pour des injections de liquidité par le biais d’achats d’actifs financiers ciblés. Ces opérations furent menées principalement en réponse à une augmentation des risques pesant sur l’économie. Ainsi, dans les pays du G4, le bilan des banques centrales est passé d’environ 12% du PIB en 2008 à environ 25% en 2012. La liquidité en rapport aux transactions réelles a donc plus que doublé depuis le début de la crise. Puisque cette expansion n’a pas conduit à une hausse des multiplicateurs monétaires, il est probable que ces liquidités aient en grande partie soutenu les actifs financiers, majoritairement le marché obligataire. Selon EPFR Global, les flux cumulés dans les fonds obligataires ont totalisé USD 1,1 trillion depuis le début 2008. La frustration exprimée par la Réserve fédérale américaine (Fed) quant à la progression du marché du travail durant l’été aura marqué un tournant dans l’approche adoptée par cette institution. En effet, la décision du 13 septembre dernier d’opérer des achats illimités d’instruments obligataires marque vraisemblablement une nouvelle ère de politique monétaire. Il ne s’agit plus de réagir à une détérioration de l’activité économique, mais bel et bien de stimuler de manière proactive la création d’emplois en soutenant les actifs financiers et la confiance des ménages, qui à son tour génère une demande susceptible d’accroître la production et les investissements. D’autres institutions monétaires ont emboîté le pas à la Fed en adoptant des politiques innovantes. Par exemple, la décision de la Banque centrale européenne (BCE) légitime une approche agressive en réponse à l’augmentation du risque de «convertibilité» de l’euro. Cette opération est de nature illimitée a priori.
Quel pourrait être l’impact de telles politiques sur le marché des capitaux à moyen terme? Il est certain que le marché anticipe en partie ces diverses phases d’expansion monétaire et une hausse des prix des actifs les plus risqués est généralement visible a priori. Cependant, le flux généré par l’achat d’instruments obligataires sûrs maintient en général une pression à la baisse sur la courbe des taux et soutient la substitution de tels instruments vers des actifs offrant une prime de risque plus élevée. Une étude de la Banque d’Angleterre a récemment confirmé que les flux entrant dans les actifs les plus risqués ont augmenté significativement durant les semaines qui ont suivi l’annonce de nouvelles mesures d’expansion monétaire. Ce phénomène s’est par ailleurs accentué après la récente annonce d’achats «illimités». Ainsi, bien que l’impact de tels achats sur la croissance reste encore source de débat, force est de constater que l’effet de stabilisation sur les marchés financiers est bien visible et qu’il pourrait s’amplifier avec la nature illimitée de telles annonces. Aussi, cette expansion monétaire globale se produit alors même que l’offre d’instruments obligataires jugés sûrs est en déclin suite aux nombreux abaissements de note de crédit durant la crise. Ainsi, la Banque de l’Angleterre détient près de 30% de la dette publique, alors que la Réserve fédérale environ 25%. Même si la BCE détient moins de 10% de la dette européenne, il est probable que cette proportion augmente avec une requête officielle de financement de la part de l’Espagne. Les banques centrales deviennent donc des investisseurs de plus en plus importants dans le secteur de la dette souveraine, se substituant en partie aux investisseurs privés.
Nous anticipons, au niveau global, une croissance modeste (3,5%) pour 2013, grâce principalement aux pays émergents. L’inflation devrait rester stable en 2013 (3,0%). En effet, et ce en sus de l’ajustement structurel opérant au niveau de la dette du secteur public ou privé, les principales économies développées opèrent encore à des niveaux de capacité inférieurs à la moyenne de ces vingt dernières années. Un environnement de taux bas devrait donc persister globalement et accompagner le processus de réduction de dette publique dans les pays développés. Corollaire pour les marchés financiers: la recherche de rendement devrait perdurer. En effet, nous nous attendons à ce que les banques centrales continuent de chercher à réduire activement toute hausse de la volatilité sur les marchés et ainsi offrir des primes de risques plus attractives sur les actifs risqués, tout particulièrement les actions.
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* Deputy Head Strategy, Credit Suisse Asset Management
La valorisation relative des actifs financiers pourrait être affectée de manière durable