Légumes Perchés à l’école de la croissance
Jardinage
La saison des ateliers potagers bat son plein pour la start-up vainqueure du Prix SUD 2020 organisé par «Le Temps». Pendant que les habitants du quartier apprennent à faire pousser, les fondateurs de Légumes Perchés, eux, apprennent à croître

«Mais non Liam, on ne va pas planter des champignons.» Envers son petit frère, sa grande sœur est un peu condescendante. Mais elle a parfaitement raison. Sur les toits des immeubles où Légumes Perchés a installé ses bacs, exposés aux vents et au soleil, d’autres plantes que ces végétaux, capables de grandir sans air ni lumière, s’y sentiront beaucoup mieux.
En ce mois de mars, la start-up lausannoise, vainqueure en décembre dernier de l’édition 2020 Prix SUD organisée par Le Temps, multiplie les ateliers potagers. Elle en a prévu une bonne vingtaine, entre mars et avril.
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Alors que le printemps a plus que pointé le bout de son nez, l’un des cofondateurs, Constantin Nifachev, a donné rendez-vous en fin d’après-midi à une poignée de résidents du quartier de l’Oasis, à Crissier, pour «un atelier découverte». Gratuit, et sans engagement, celui-ci. «Il s’agit simplement de lancer les jalons, de faire connaissance et de passer un moment agréable, précise-t-il en introduction. Certains participants ont déjà loué des bacs, d’autres pas. Il y en a qui sont libres. Cela leur donnera peut-être envie de s’en approprier un.»
Des stratégies différentes
En entrée de cet atelier, des plantons de salades. Il faut d’abord enlever les mauvaises herbes. Les quatre participants s’affairent autour de l’un des bacs, en respectant les distances nécessaires… entre chaque plant. «Il y a, ici, beaucoup de soleil, il faut donc bien protéger les racines avec la terre.» Constantin Nifachev distille de menus conseils, alors que le petit groupe prépare déjà des sillons pour y glisser des graines de petits pois.
Un brin gênée au début, Marcy, l’une des participantes, commence à partager le travail avec les deux jeunes enfants de Cynthia, qui sont, ma foi, étonnamment appliqués et à l’écoute. «Nous sommes des débutants, mais ils aiment faire ça», se contente-t-elle de résumer.
Sur la germination, la récolte ou l’exposition au soleil, les questions commencent à fuser. Voilà une petite heure que l’atelier a commencé. D’autres habitants du quartier arrivent sur le toit au compte-goutte. Parmi eux, il y a Yullia. Elle a loué un bac de Légumes Perchés sur un toit voisin, et elle a également souscrit à un abonnement pour suivre six ateliers pédagogiques, plus poussés que celui du jour, et qui seront disséminés durant toute l’année.
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Elle semble plus timide, se met un peu à l’écart. Parce que cette avocate d’origine ukrainienne ne maîtrise pas complètement le français? Ou parce qu’elle est très concentrée? Yullia est déterminée à réussir l’expérience du jardin potager. Sur l’écran de son téléphone, elle nous montre un plan en deux dimensions d’une étonnante précision. Distance entre les plantes, exposition, prévision d’expansion… Tout y est, même la partie qu’elle a décidé de consacrer à des tulipes. «Je leur ai montré mon plan et eux me permettent de le corriger ou de l’améliorer», ajoute-t-elle.
Avec la nouvelle Galicienne
«Tous ne sont pas aussi précis. Certains préfèrent le désordre, et ça fonctionne aussi», sourit Constantin Nifachev, occupé à expliquer aux participants pourquoi il est pertinent de rapprocher carottes et oignons. Mais il n’est pas le seul représentant de Légumes Perchés à être présent. En retrait, Thomas Verduyn observe et fait la causette. Mais que l’on ne s’y trompe pas, l’autre cofondateur de la start-up ne chôme pas le moins du monde.
C’est un signe qui ne ment pas, il devient de plus en plus difficile à joindre. Depuis décembre, les nouveaux mandats se multiplient. A Lausanne, Renens, Genève ou à Estavayer-le-Lac, Légumes Perchés est sollicitée de toutes parts, plus ou moins en amont de projets immobiliers et urbains. En ce début d’année, la start-up a par ailleurs déjà recruté deux personnes, une architecte-paysagiste et une spécialiste de la permaculture, qui sera notamment chargée de gérer des ateliers dans les écoles et les crèches.
Légumes Perchés est par ailleurs aussi intégrée dans l’initiative de «kit de transformation et de conservation alimentaire», lancée par la ville de Lausanne début mars et qui vise, à partir du mois de juin, à organiser des animations et des ateliers tout en fournissant le matériel. «Depuis la médiatisation qui a suivi notre victoire au Prix Sud, nous avons également reçu beaucoup de demandes de particuliers, ajoute Thomas Verduyn. Jusqu’à il y a peu, nous les réorientions vers des paysagistes. Mais nous avons finalement décidé de gérer l’installation de leur jardin. Nous ne ferons pas le suivi, mais nous les intégrerons à nos ateliers.»
A court terme, le plus grand mandat de Légumes Perchés débute mi-avril à Malley. L’entreprise s’est en effet associée à La Galicienne pour lancer un «jardin participatif» sur une surface potagère de 500 m2. La buvette gérée par l’association I Lake Lausanne, placée sous les arches du viaduc depuis cinq ans, déménage ce printemps à quelques mètres de là, à la place qu’occupait la patinoire provisoire.
Pompiers et coronavirus
A Crissier, sur les toits, le soleil commence à faiblir. A l’heure d’arroser les pousses et les graines fraîchement plantées, Constant Nifachev, tuyau d’arrosage en main, se retrouve un peu esseulé. Liam et sa grande sœur sont repartis chez eux, sans que l’on sache si c’est parce qu’ils en avaient assez vu, ou si c’est parce que la plantation d’épinards et d’oignons les intéressait moins que celles des carottes et des petits pois.
Les adultes, eux, parlent de coronavirus et du passage des pompiers, la semaine dernière, dans le quartier. Ils discutent de tout et de rien, mais plus tellement de techniques potagères. Mais ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Une dynamique sociale, c’est aussi ce que cherche à créer Légumes Perchés.
A revoir: La vidéo de la remise du Prix SUD 2020