La lente agonie des agences de voyages
Tourisme
Le Conseil fédéral a décidé de suspendre les poursuites à l’encontre des voyagistes pour encore trois mois. La mesure soulage mais ne suffit pas

Le Conseil fédéral a entendu la souffrance du secteur du voyage. Ou presque. Le gouvernement a prolongé mercredi 24 août la suspension des poursuites à l’encontre des voyagistes. Initialement prévu jusqu’à la fin de septembre, le délai a été reporté au 31 décembre. En clair, les agences de voyages dans l’incapacité de rembourser leurs clients ne pourront être mises en poursuite avant la fin de l’année.
De nombreuses compagnies aériennes rechignent encore à rembourser les vols, plaçant les agences de voyages dans une situation inextricable. La décision soulage, donc, mais ne suffit pas. «On retire l’épée de Damoclès sur nos têtes, mais ce n’est pas ça qui fera bouillir la marmite», assène Sonja Laborde, présidente de la Travel Professional Association (TPA) qui compte plus d’une centaine de sociétés membres.
Un secteur en souffrance
«Le Conseil fédéral ne se mouille pas, il repousse juste le problème!» Alexandre Python, directeur de l’agence Ad gentes, basée à Genève et Montreux, espérait, comme nombre de ses confrères, une aide financière concrète. Car les agences de voyages se trouvent aujourd’hui dans un désarroi profond. Contrairement aux entreprises de l’événementiel, les voyagistes n’ont pas été reconnus comme cas de rigueur par le Conseil fédéral. Conséquences: les employés touchent des indemnités de réduction d’horaires de travail (RHT), mais, depuis le mois de juin, plus d’allocations pour perte de gain (APG) pour les patrons. Un cauchemar pour le millier de petites structures indépendantes que compte la Suisse, selon Sonja Laborde.
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Malgré les mesures d’assouplissement du début de l’été, les voyagistes sont toujours à l’arrêt quasi total. Chez Ad gentes, les réservations de la semaine se comptent sur les doigts d’une main. En période estivale «normale», ce chiffre est 30 à 40 fois plus élevé. Et alors que les recettes sont quasi nulles, le gouffre financier lié aux remboursements des clients continue de se creuser. «Avec toutes les annulations, les agences ont perdu leur passé. Elles n’ont actuellement pas de présent et n’osent même pas imaginer le futur», se désole Sonja Laborde.
Des milliers d’emplois en danger
Le futur, Alexandre Python n’y songe effectivement pas. Depuis plusieurs mois, le patron d’Ad gentes vit au jour le jour. Alors qu’une année normale rapporte entre 12 et 14 millions de francs, il espère atteindre un chiffre d’affaires de 200 000 francs à la fin de décembre. En attendant, il diminue les frais: «Nous avons dû fermer un de nos quatre bureaux et licencier les trois quarts du personnel, soit plus d’une vingtaine d’employés. Qui sait, nous finirons peut-être à deux dans un appartement.»
Alexandre Python est amer. Et il n’est pas un cas isolé. Sonja Laborde estime que ce sont près de 30% des agences et 2500 emplois en Suisse qui disparaîtront. Certaines agences ont déjà déclaré faillite, à l’image de la filiale suisse de STA Travel Holding, agence spécialisée dans les voyages pour jeunes qui comptait 11 succursales dans le pays. «Et si rien n’est fait, alors on court vers la perte de tous les emplois. Cela représenterait plus de 10 000 à 14 000 personnes et coûterait bien plus cher à la collectivité que l’aide que nous espérons.» Cette aide, Sonja Laborde estime qu’elle devrait s’élever en tout cas à 300 000 francs. «Mais avant toute chose, il faut débloquer les RHT pour les patrons», conclut-elle.
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En attendant de voir la situation de ses entreprises s’améliorer, TPA tiendra son AG ordinaire samedi 29 août. Au programme, quatre séminaires, dont un, animé par Alexandre Python: «Faillites: oui, mais comment?»