L’an denier, Rheinmetall a ainsi battu tous ses records et devrait continuer sur sa lancée en 2023. Si les commandes s’élevaient à 26,6 milliards d’euros en 2022, elles pourraient dépasser les 30 milliards d’euros d’ici à décembre. Le chiffre d’affaires est lui aussi au sommet, avec une hausse de 13% en 2022 (6,4 milliards d’euros). D’après les prévisions, il pourrait atteindre les 7,6 milliards d’euros en 2023.
Vers une année record
«La guerre en Ukraine a changé la donne pour nous», a confirmé la semaine dernière Armin Papperger lors de la présentation de ces chiffres à la presse. «Je m’attends à ce que l’année 2023 soit de loin la meilleure année de l’histoire de l’entreprise en termes de commandes», a-t-il ajouté. Selon lui, le gros des commandes viendra d’Allemagne avec la signature d’importants contrats avec l’Etat fédéral dans le cadre des 100 milliards de fonds spéciaux. «Je suis heureux de ce changement d’époque et pas seulement parce que nous faisons de bonnes affaires chez Rheinmetall», reconnaît Armin Papperger. «Je suis aussi heureux en tant que citoyen car nous allons enfin avoir une Bundeswehr bien équipée», a-t-il lancé.
«Cette entrée au Dax est hautement symbolique car elle reflète la valeur qu’a prise l’industrie de l’armement depuis ce «changement d’époque» annoncé par Berlin», commente Andreas Glas, de l’Université de la Bundeswehr, à Munich. «En Allemagne, Rheinmetall est un des rares gros acteurs au sein d’un secteur constitué de très nombreuses petites et moyennes entreprises. Il est un des seuls à jouer dans la cour des grands au niveau mondial. Il a par ailleurs beaucoup profité de la guerre en Ukraine car il dispose d’un portefeuille de produits très large, entre les chars, les véhicules militaires, les drones, les munitions, l’artillerie. Cela explique le doublement de son action depuis un an», analyse cet expert.
Des munitions allemandes
En matière de munitions, Rheinmetall ne cache pas ses ambitions et dit pouvoir couvrir la moitié des besoins de l’Ukraine, notamment grâce à son acquisition de l’Espagnol Expal. Le groupe compte bénéficier des contrats à venir avec le gouvernement allemand, qui a prévu 1,1 milliard d’euros en la matière. Il a aussi relancé sa production de munitions destinées aux chars Guépard, jusque-là fabriquées par la Suisse mais qui ne peuvent pas être exportées vers l’Ukraine. Les premières livraisons à Kiev sont prévues d’ici à l’été. Basé à Düsseldorf et fort de 25 000 salariés, le groupe espère aussi remporter certains contrats au niveau européen, alors que la Commission propose d’investir 2 milliards d’euros dans la production de munitions.
Rheinmetall multiplie ainsi les annonces: la société va ouvrir de nouveaux sites de production en Hongrie, espère obtenir l’aval pour une usine de poudre en Saxe et prospecte en Allemagne pour une usine de montage d’avions de chasse F-35. Elle a aussi proposé de construire en Ukraine une usine de chars de combat. «L’Ukraine a besoin d’être indépendante par rapport à l’OTAN», commente Armin Papperger qui évoque un «projet de long terme».
Si Rheinmetall attire le gros de la lumière avec son entrée au Dax, cette réussite ne doit toutefois pas cacher les performances globales du secteur de l’armement allemand depuis un an. «On peut faire un parallèle avec l’industrie automobile. Quand les constructeurs passent de gros contrats, cela se répercute sur les sous-traitants», rappelle Andreas Glas. «Les attentes pour 2023 sont énormes mais les effets du changement d’époque vont se poursuivre bien au-delà, peut-être sur une décennie» ajoute-t-il. «Cette hausse de la demande ne va pas être un feu de paille», prédit-il.