Le ministre allemand de l’Economie, Peter Altmaier, a reçu cette semaine deux lettres incendiaires. La première lui a été envoyée par dix ministres régionaux de l’Environnement, issus du parti écologiste. «Le développement de l’énergie éolienne est sur le point de prendre fin», constatent ces élus qui ne dénoncent «rien de moins que la liquidation de l’une des industries clés du XXIe siècle». L’autre lettre rédigée, entre autres, par la Fédération de l’industrie allemande (BDI) et par celle de l’énergie éolienne (BWE) va dans le même sens. «Les restrictions prévues remettent en question l’atteinte des objectifs de la politique énergétique et climatique fédérale», constatent ces organisations.

La raison de ce tollé réside dans la publication, cette semaine, d’un projet de réglementation fédérale controversé. Il prévoit d’instaurer une distance de 1 kilomètre entre toute nouvelle éolienne et une zone d’habitations, constituée d’au moins cinq maisons. A l’origine, le gouvernement souhaitait répondre à la colère croissante des riverains. Le nombre de procès intentés a en effet explosé, ces dernières années, ce qui ralentit les procédures d’installation de nouvelles éoliennes.

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Des oppositions «prévisibles»

«C’était prévisible», constate Klaus Jacob, de l’Université libre de Berlin. «Les éoliennes atteignent désormais 200 mètres de hauteur et posent des problèmes en termes de bruit et de pollution visuelle. Une des solutions serait d’installer des éoliennes plus petites, de développer les parcs en mer et d’offrir des bénéfices aux habitants», estime cet expert.

Pour les acteurs du secteur, en revanche, cette règle est trop stricte. L’Agence fédérale de l’environnement estime qu’elle entraînera une réduction de 20 à 50% du parc éolien terrestre alors même qu’il n’existe quasiment plus de nouvelles surfaces disponibles. Cette règle fusillerait par ailleurs l’objectif affiché par le gouvernement de produire 65% de son électricité à partir des énergies renouvelables d’ici à 2030. Selon l’institut Fraunhofer, 40% de la production nette d’électricité provenait l’an dernier des énergies propres, avec le vent comme premier contributeur (20% de la production totale).

Fin des revenus garantis

Crucial donc dans ce processus de transition énergétique du pays, l’éolien n’avance plus aussi vite que par le passé. Au cours des neuf premiers mois de l’année, seuls 504 mégawatts de nouvelles capacités ont été installés, soit un quart des niveaux atteints sur la même période en 2018. Or selon la BWE, il faudrait ajouter 4,7 GW de puissance installés chaque année jusqu’en 2030 pour tenir les objectifs.

Au-delà des querelles avec les riverains et du manque de surfaces disponibles, le secteur a été déstabilisé par l’introduction en 2016 de procédures d’appels d’offres, par la fin de revenus garantis et par les lenteurs administratives. Conséquence, certains appels d’offres ne trouvent pas preneurs.

«Le marché allemand de l’éolien est à terre et de plus en plus d’entreprises s’orientent vers des marchés internationaux plus prometteurs», constatait cet été Hermann Albers, président de la BWE. Les licenciements se multiplient en effet dans un secteur qui emploie 112 000 salariés. En 2017, 26 000 emplois ont été supprimés. L’entreprise Senvion, cotée en bourse et forte de 4400 salariés, a déposé le bilan fin août. Son concurrent Enercon vient d’annoncer la suppression de 3000 postes, Gamesa, filiale de Siemens, prévoit, elle aussi, des licenciements, et Nordex dit chercher de nouveaux débouchés à l’étranger.