Un soupir de soulagement? C’est plutôt une véritable exhalation qu’ont poussée lundi matin les dirigeants internationaux et les milieux financiers à l’annonce du plan de secours historique décidé par les pays de l’Union européenne. Après onze heures de tractations, les ministres des Finances – et le Fonds monétaire international (FMI) – se sont entendus sur une enveloppe de 750 milliards d’euros [1060 milliards de francs] pour aider, si besoin, tout pays de la zone euro menacé d’une crise de la dette similaire à celle de la Grèce.

Alors que le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, qualifiait de «grand pas en avant» cette décision, les marchés se sont envolés dès le début de la journée. Suivant la réaction des principales places asiatiques, les bourses européennes ont connu un rebond de 10%, aussi violent que leur plongeon de la semaine dernière. «En plus vingt ans sur les marchés, je n’ai jamais connu de telles secousses à un intervalle aussi rapproché», confiait hier un gérant de fonds genevois. Dès le début de l’après-midi, Wall Street suivait dans la foulée, décollant de 4%. La monnaie européenne – qui a perdu 15% de sa valeur depuis novembre dernier face au dollar – s’est réappréciée de 1%. Le plan «va assurer que toute tentative pour affaiblir la stabilité de l’euro échouera», a claironné hier le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Mais c’est le basculement de la situation sur la dette grecque qui a été le plus impressionnant. Athènes, qui se voyait imposer vendredi encore un taux d’intérêt implicite de 12,5% vendredi soir sur ses emprunts à dix ans, se retrouvait hier soir face à des exigences ne dépassant pas 7%. Et alors que les institutions financières – notamment les banques européennes – souhaitant se débarrasser d’obligations considérées comme «pourries» ne savaient plus à qui les transférer il y a une semaine, la journée de lundi a donné lieu à des achats massifs d’emprunts helléniques. Un déblocage en grande partie dû à la Banque centrale européenne, qui a finalement décidé d’intervenir comme acheteur en dernier ressort de ces titres. Les fonds d’investissement pariant sur un défaut de paiement de la Grèce ont également été forcés d’en acheter afin d’annuler leurs paris. Dès lundi, plusieurs ministres européens des affaires étrangères – à l’instar de la présidence espagnole de l’Union – espéraient que ce plan de soutien allait sonner la «fin de la bataille» contre les spéculateurs.

L’effervescence ayant accueilli ce plan dans les différentes capitales financières du globe montre cependant à quel point l’enjeu de cette crise en était venu à dépasser la simple capacité d’un pays représentant 3% de l’économie européenne à rembourser ses emprunts; ou les paris des fonds spéculatifs tablant sur son défaut de paiement.

Depuis la semaine dernière la vague de panique est devenue plus profonde, les marchés commençant à craindre la répétition de l’épisode Lehman Brothers, comme en septembre 2008. Les tensions sur les relations interbancaires ont laissé entendre que l’ensemble des établissements financiers européens – détenteurs de 70% des 300 milliards d’euros d’emprunts grecs – se trouvaient à nouveau menacés de paralysie. Depuis des semaines, les établissements grecs – puis portugais – faisaient déjà face à des difficultés pour obtenir des fonds de leurs homologues européens.

Jeudi dernier, la menace d’une crise apportée non plus par des titres toxiques à base d’emprunts immobiliers américains – mais par des emprunts d’Etats surendettés – a même atteint le cœur de la machine financière: Wall Street. Amplifié par un dysfonctionnement des systèmes de transaction électronique, le krach éclair connu par la bourse de New York a alors fait prendre une autre tournure à un problème pourrissant depuis l’automne et considéré comme purement européen.

L’effort auquel a consenti l’Europe, qui dépasse 8% du produit intérieur brut de l’Europe, montre que «[ses] décideurs ont réalisé que l’instabilité de toute l’union monétaire était devenue un risque clair», résume Jürgen Michels, économiste chez Citigroup à Londres. Le montant mobilisé dépasse celui mis en œuvre par l’administration américaine – le plan «Paulson» de 700 milliards de dollars – après l’effondrement de la banque Lehman Brothers.