Un scénario de pénurie plus tout à fait abstrait depuis l’entrée en vigueur en mai 2021 puis un an plus tard de deux nouvelles réglementations sur les dispositifs médicaux, qui ont aussi des conséquences sur la Suisse. Celle-ci a déjà perdu l’équivalence européenne pour ses dispositifs médicaux faute d’accord-cadre et doit faire certifier ses produits dans un Etat membre.
Les nouvelles règles pour les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostics in vitro renforcent les exigences de certifications pour attester la sécurité des produits avant leur mise sur le marché. Les deux textes ont aussi augmenté la charge de documents à remplir, pour les produits existants comme pour les innovations. Et tous les fabricants devront être prêts pour 2024. Ce délai est jugé intenable par plusieurs associations européennes.
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Près d’un dispositif sur trois menacé
L’association allemande BVMed a ainsi récemment estimé lors d’une réunion à Berlin que 30% des dispositifs médicaux pourraient bientôt disparaître du marché, faute de pouvoir certifier les produits existants dans les temps. En cause: le nombre insuffisant d’organismes aptes à faire les certifications. Il existe 30 autorités d’évaluation pour les dispositifs médicaux et sept pour le matériel de diagnostic in vitro. Le manque de personnel formé pour assurer ces certifications est aussi jugé problématique. Conséquence: un embouteillage de dossiers s’est formé.
Pour 2021, seulement 1000 produits auront pu être certifiés alors que d’ici à 2024, 24 000 certificats supplémentaires devront avoir été émis. Avec une capacité pour les organismes actuels de certifier 6000 à 7000 dossiers par an et un traitement des dossiers compris entre douze et dix-huit mois, le calcul est vite fait.
Il y a «urgence» a résumé mardi le représentant de la Belgique. La commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, a aussi reconnu des «chiffres préoccupants» tout en maintenant la pression sur les fabricants qui doivent «redoubler d’efforts pour éviter ces pénuries». Les Etats membres ont ainsi été invités à mettre le paquet sur les ressources humaines.
Pas de reports dans la mise en œuvre à ce stade
Mais la commissaire a écarté à ce stade tout report de délai. Si cette demande n’a pas été explicitement mise sur la table mardi, plusieurs pays, comme l’Allemagne, lui ont demandé de tout faire pour réduire la charge bureaucratique de ces certifications et de revoir sa position en décembre. Stella Kyriakides leur a proposé en attendant quelques actions pour soulager les fabricants, comme des audits hybrides qui permettraient de certifier les produits à distance.
Contactée par Le Temps, l’association faîtière MedTechEurope n’a pas rejeté cette solution, estimant qu’elle pourrait contribuer à accélérer les choses et aurait d’ailleurs été utile pendant la pandémie. L’association croit aussi savoir que le nombre d’organismes de certification augmentera cette année de neuf organismes supplémentaires pour les dispositifs médicaux et de deux pour le diagnostic in vitro.
Mais MedTechEurope déplore de manière générale la charge bureaucratique excessive de ces nouvelles réglementations. «Le processus par lequel un organisme démontre qu’il répond aux normes doit être revu», insiste-t-elle. L’attractivité du marché européen pourrait aussi en prendre un coup, a également mis en garde BVMed, au moment où de plus en plus d’entreprises internationales privilégient les certifications américaines. Une idée d’ailleurs dans l’air du temps en Suisse.