L'exploitation de l'IA en finance fait des débuts prometteurs
Investissements
AbonnéLa dernière version de ChatGPT est, dans une certaine mesure, capable de prévoir l’évolution d’actions cotées en bourse. En se généralisant, l’intelligence artificielle devient un atout pour ceux qui l’utilisent au mieux
L’intelligence artificielle (IA) peut-elle prévoir l’évolution des actions? Des chercheurs de l’Université de Floride ont utilisé ChatGPT pour savoir si un titre d’article de presse était bon, mauvais ou sans effet sur le cours des actions américaines. Puis ils ont comparé l’évaluation effectuée par le célèbre service d’IA avec le mouvement effectif des actions concernées. Résultat: la version 4 de ChatGPT parvient mieux à repérer le sentiment du marché que d’autres méthodes conçues pour cela, et que des versions plus anciennes de ChatGPT (1 et 2).
La capacité à prévoir la performance d’un actif financier serait donc l’apanage des modèles d’IA plus récents et plus complexes. Ils pourraient améliorer la performance de stratégies d’investissement dites quantitatives, qui utilisent des modèles intégrant un grand nombre de facteurs. Néanmoins, cette étude montre aussi que l’IA n’est pas toute-puissante en matière financière. Sa faculté de prévoir l’avenir est plus marquée pour les plus petites capitalisations et plus efficace en cas de mauvaises nouvelles.
Le fait qu’une telle recherche universitaire soit menée montre à quel point l’IA va de plus en plus être intégrée dans les processus d’investissement, analyse Charles-Henry Monchau, responsable des investissements à la banque Syz: «tout comme l’IA va être utilisée pour affiner les résultats des moteurs de recherche sur internet, elle sera disponible à tous dans le monde de la finance. Ce qui fera la différence est la façon dont chacun l’utilisera».
Lire aussi: Régulation de l’IA: vers un choc entre les Etats-Unis et l’Europe
Outre la disponibilité des algorithmes, celle des capacités de calcul s’est beaucoup améliorée ces dernières années. Elle a notamment permis à la société de gestion lausannoise Fundo d’utiliser l’IA depuis trois ans dans certaines de ses stratégies d’investissement, représentant environ 300 millions de francs d’avoirs de prévoyance professionnelle. Pas pour essayer de prévoir l’évolution d’actions individuelles, mais pour détecter des informations dans des séries temporelles [des statistiques qui retracent l’évolution qu’une variable dans le temps, ndlr], de manière à adapter son allocation d’actifs.
Minimiser les regrets a posteriori
«La stabilité des données n’existe pas en finance, ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas forcément demain, résume le responsable des investissements de Fundo, Bruno Maumené. L’IA permet d’exploiter des informations découvertes au fil du temps, en tablant sur leur persistance, alors que ChatGPT s’appuie sur un univers de connaissances largement stable». Le moteur d’IA le plus connu au monde n’utilise pas de données remontant à avant septembre 2021, mais il peut facilement être connecté à internet. Il suffit pour cela d’avoir un compte payant et d’activer l’option idoine.
Lire aussi: A San Francisco, OpenAI a des bureaux fantômes
L’approche développée par Fundo vise à «minimiser le regret que l’on peut avoir a posteriori, autrement dit à ne pas s’engager dans une voie à l’aveugle et devoir attendre dix ans pour savoir si l’on s’est trompé», poursuit Bruno Maumené. Dans les grandes lignes, l’IA déplace le centre de gravité d’un portefeuille en permanence. On est loin du trading en millisecondes de la gestion algorithmique. Fundo modifie l’allocation de ses portefeuilles à un rythme mensuel, à la fois pour limiter les coûts et car un rythme plus rapide ne change pas fondamentalement la performance la plupart du temps, précise notre interlocuteur, en poste au sein du groupe lausannois depuis plus de 18 ans.
Même si son approche est quantitative, la société d’une dizaine d’employés – essentiellement des ingénieurs – n’a pas créé un modèle, «qui doit être révisé en permanence sur la base de données ex post, sans véritable raison intellectuelle». Sa logique consiste plutôt à faire évoluer l’allocation d’actifs dans le cadre défini par les lois sur la prévoyance et les éventuelles contraintes supplémentaires que choisissent les caisses de pension (pour des raisons de démographie des assurés ou selon leur santé financière par exemple).
Lire aussi: ChatGPT est disponible sur smartphone, voici ce que cela va changer
Excel 2.0
Cela signifie s’éloigner de l’équipondération des différentes classes d’actifs, c’est-à-dire une diversification maximale, «grâce à la capacité de la technologie de gérer un nombre de scénarios possibles beaucoup plus élevé que l’humain», conclut Bruno Maumené. Fundo vise une surperformance de 40 à 50 points de base par an (0,4 à 0,5%), selon lui, «un niveau modeste en valeur absolue, mais qui doit être ramené à une espérance de rendement de l’ordre de 3 à 4%».
Lire aussi: Quand l’intelligence artificielle donnera des conseils d’investissement
L’IA reste un outil, «pas une baguette magique qui résoudrait tout», reprend Charles-Henry Monchau, de Syz, qui compare son développement à l’arrivée d’Excel, «qui a permis aux gérants de réaliser des gains de productivité. C’est aussi le cas avec l’IA, pour la recherche des données ou pour affiner les décisions d’investissement. Les premiers qui l’utilisent bénéficient d’un avantage clair».