C'est ce qui est en train de se passer aujourd'hui au niveau de l'impôt des sociétés: face à l'opposition de l'Irlande et de la Grande-Bretagne, le couple franco-allemand désire, en effet, réunir huit pays pour aller de l'avant. Lors d'un Conseil informel des ministres européens des Finances (Ecofin) qui se tiendra les 10 et 11 septembre aux Pays-Bas, la France et l'Allemagne devraient essayer de mettre sur pied ce premier espace fiscal commun. La Belgique pourrait en faire partie. «Nous sommes très intéressés par l'initiative», dit-on au cabinet du ministre des Finances, Didier Reynders. Mais nous attendons les modalités exactes du projet avant de nous prononcer. Car l'idée n'est pas d'harmoniser les taux, mais la base taxable, c'est-à-dire la détermination des revenus qui sont imposables et de ceux qui ne le sont pas.
Levée de boucliers parmi les patrons
L'initiative ravit la Commission. Parallèlement à l'harmonisation des règles comptables (les normes IFRS entreront en vigueur en 2005 pour les 7000 sociétés cotées européennes), l'exécutif européen estime, en effet, qu'il est normal de renforcer la transparence fiscale. Mais l'idée suscite aussi une levée de boucliers parmi les patrons européens. Ceux-ci se réuniront d'ailleurs à la fin de ce mois, au sein de l'Union des fédérations patronales européennes (Unice), pour déterminer leurs positions sur le sujet. Il apparaît cependant déjà que le patronat français, allemand et belge, entre autres, rejette ce projet d'harmonisation fiscale.
Ce qui fâche, essentiellement, c'est la différence entre le discours et les intentions. «Ce que l'on nous a présenté n'est pas ce que l'on nous propose réellement», résume Jean Baeten, conseiller fiscal auprès de la FEB (Fédération des entreprises de Belgique). Les entreprises européennes réclament, en effet, une taxation sur base consolidée, qui permettrait, par exemple, de compenser les pertes réalisées dans un pays par les bénéfices réalisés dans un autre. Cette consolidation permettrait aussi d'éliminer la double taxation pour les sociétés qui prennent une participation réduite dans une société étrangère et ne peuvent, dès lors, faire jouer la directive «mère-filiale».
Or l'approche est toute autre. La France et l'Allemagne, deux pays confrontés à de sérieux problèmes budgétaires, ne veulent pas d'un projet qui réduirait leurs recettes fiscales. Ils proposent donc une harmonisation sur le modèle de leurs propres bases taxables, qui est assez large. Les entreprises belges n'y gagneraient rien, au contraire: l'assiette imposable des sociétés belges grandirait. «Nos entreprises n'auraient plus d'avantage compétitif par rapport à leurs grands voisins qui, eux, bénéficieraient au moins de leur vaste marché intérieur», souligne Jean Baeten. On comprend donc que du côté belge, on se tâte sérieusement avant d'embarquer dans ce bateau.