Ce sont surtout les mesures pour compenser les effets de la démonétisation en Inde qui étaient attendues mercredi, lors de la présentation du budget pour l’année fiscale 2017. Début novembre, le premier Ministre avait annoncé le retrait des billets de 500 et 1000. Les citoyens avaient jusqu’à la fin de l’année pour les déposer à la banque, faute de quoi ils deviendraient caducs.

Surnommé «notebandi» en hindi, cette mesure, qui concernait 86% de la valeur de l’argent en circulation, avait pour but de lutter contre l’économie souterraine, l’évasion fiscale et la corruption. Mais elle a aussi causé des blocages dans l’économie tant l’utilisation du cash est répandu.

Mesure «disruptive»

Les dépôts ont été «plus élevés qu’attendu», selon Arun Jaitley, ministre des Finances, ajoutant: «Comme toute réforme, cette mesure a évidemment été disruptive.» D’après lui, le retrait des grosses coupures aura un impact sur la croissance de l’année en cours, mais pas au-delà. Le Fonds monétaire international a en effet abaissé ses prévisions, tablant sur croissance de 7,6%, contre 6,6% prévu auparavant.

Le grand argentier a ainsi dévoilé devant le parlement une réduction de moitié du taux d’imposition (10% à 5%) pour les revenus les plus bas dans le but de compenser les dégâts de la démonétisation. De même, les PME obtiennent une baisse de la fiscalité. S’exprimant pendant près de deux heures, Arun Jaitley a également prévu d’augmenter les dépenses dans les zones rurales à travers des investissements dans le programme de garantie d’emploi et en facilitant l’accès des fermiers au crédit. Le gouvernement souhaite voir sortir 10 millions de ménages de la pauvreté d’ici deux ans et doubler les revenus des agriculteurs d’ici cinq ans.

Marchés en hausse

Au total, le ministre prévoit un déficit de 3,2% du PIB. Les marchés ont réagi par une hausse, de même que la roupie face au dollar, satisfaits de voir le gouvernement préparer 59 milliards d’investissement dans les infrastructures.

Dire que les avis sont partagés sur les bienfaits de la démonétisation est un euphémisme. Pour les partisans de la mesure, elle permettra de nettoyer l’économie indienne gangrenée par la corruption, les trafics et l’évasion fiscale et repartir sur de meilleures bases. Même si elle en a largement souffert, se retrouvant à dans des files d’attentes interminables devant les banques ou face à des distributeurs de monnaies vides, la population semble largement d’accord avec cette analyse. Selon un sondage d’India Today, 45% des Indiens estiment que la démonétisation va aider à lutter contre l’argent sale auxquels s’ajoutent 35% qui estiment qu’elle va aider l’économie en général. Cela n’empêche pas 55% d’entre eux de penser que la mise en pratique a été mauvaise ou aurait au moins pu être meilleure.

Impact sur l’emploi

Pour les opposants, le tableau n’est pas aussi lisse. Alors que les grandes entreprises, surtout multinationales, ont généralement soutenu la décision du gouvernement, les PME sont plus critiques. Dans cette large partie de l’économie, où les échanges se font encore beaucoup en liquide, la démonétisation a un impact sur l’emploi, selon l’Association des chambres de commerce et de l’industrie en Inde (Assocham). Dans une étude, elle a établi les secteurs les plus touchés: en tête, l’immobilier, le textile, l’agriculture et les ventes de détails disent souffrir le plus de la mesure. A l’inverse, le secteur bancaire et finance, l’énergie et la technologie se trouvent parmi les plus à même de profiter des changements.

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