Commerce
A la Conférence ministérielle de l’OMC en Indonésie, New Delhi refuse tout compromis et demande de pouvoir accroître ses subventions aux produits agricoles afin d’aider les agriculteurs et de nourrir les plus pauvres

L’Inde a fait le forcing mercredi au deuxième jour de la conférence ministérielle de l’OMC à Bali sur le dossier de la sécurité alimentaire. Elle a rejeté les textes sur la table. Les négociations se poursuivent pour trouver une formule de compromis. «Ce n’est pas le moment d’abandonner», a déclaré le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) Roberto Azevedo aux chefs de délégation. Il a été mandaté pour faire des propositions et va intensifier dans la nuit ses consultations avec les pays-clés.
«La négociation à Bali ne fait que commencer», a relevé un diplomate, en estimant que la «situation est critique, mais pas désespérée». Les 159 pays membres, dont la très grande majorité ont indiqué qu’ils soutiennent un accord, ont encore 48 heures pour éviter un naufrage.
Le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann a estimé en fin de journée que «tout sera fait pour obtenir un succès» et souligné «qu’il manque peu de chose» pour y parvenir. En petit comité, l’Inde aurait adopté une position plus nuancée que dans ses prises de position publiques.
Discours très dur
Le différend qui menace l’ensemble de l’édifice en négociation porte sur la proposition du G33 (46 pays en développement) d’autoriser les pays en développement à subventionner l’achat de produits agricoles.
La journée a commencé par un discours très dur du ministre indien du commerce Anand Sharma qui a jeté un froid. «Les règles dépassées de l’OMC doivent être corrigées. Les clauses concernant les restrictions aux subventions agricoles ne peuvent pas être acceptées sous leur forme actuelle», a déclaré le ministre.
«Pour l’Inde, la sécurité alimentaire n’est pas négociable», a insisté le ministre. L’Inde veut mettre en œuvre un programme visant à offrir à prix artificiellement bas des denrées alimentaires de base à plus de 800 millions de pauvres, en contravention avec ses obligations actuelles à l’OMC qui imposent un plafond de 10% de la production agricole pour les achats publics.
Appel de l’UE
«Je suis d’humeur maussade», a réagi le commissaire européen au commerce Karel De Gucht. Il a exclu qu’il soit possible de trouver à Bali une solution permanente pour la sécurité alimentaire et a appelé l’Inde à faire preuve de la flexibilité nécessaire.
Un compromis avait été élaboré à Genève qui consiste à offrir une «clause de paix» de quatre ans, pendant laquelle aucune sanction ne serait adoptée contre les pays en développement qui dépassent leur plafond de subventions. Pendant cette période, les membres de l’OMC s’engageraient à rechercher une solution définitive.
Les négociateurs planchent maintenant sur une formule qui renforcerait le lien entre solution intérimaire et solution permanente. Le commissaire européen a averti qu’un échec à Bali «ferait vaciller les fondations même de l’OMC», «plaçant sous respiration artificielle le système de règles» de l’organisation.
Autre poids lourd de la négociation, les Etats-Unis ont déclaré pour leur part que «le premier accord multilatéral dans l’histoire de l’OMC est à portée de main». Le ministre américain au commerce, Michael Froman, a assuré que les Etats-Unis avaient été «flexibles» et «fait leur part de compromis».
Ligne d’arrivée en vue
En session plénière, Johann Schneider-Ammann a appelé à saisir une occasion unique de conclure un accord commercial. «Nous avons devant nous un paquet négocié presque terminé. Ce résultat est de grande valeur pour les pays en développement et les pays industrialisés. La ligne d’arrivée est en vue. Franchissons le dernier kilomètre», a affirmé le ministre de l’économie qui depuis son arrivée mardi a multiplié les contacts bilatéraux.
Comme le commissaire européen, le conseiller fédéral a averti qu’un échec à Bali serait «un grave revers pour le système commercial multilatéral» et «que le rôle de l’OMC sera sérieusement entamé comme forum de négociations». Mercredi, les 159 pays membres ont approuvé l’adhésion du Yémen, qui deviendra l’an prochain le 160e membre de l’OMC.