Aucune accalmie en vue dans la marine marchande. Après le blocage du canal de Suez par l’Ever Given fin mars, les déséquilibres dans l’emplacement des conteneurs et l’envolée des prix pour les acheminer, voici que les achats de bateaux atteignent un nouveau pic.

En mars, l’industrie a commandé 72 navires, d’une capacité totale de 866 000 équivalents 20 pieds («twenty-foot equivalent», TEU), pulvérisant un record de 2011 (50 bateaux ou 570 000 TEU), selon les cabinets Bimco et Clarksons. En un mois, les armateurs ont procédé à quasiment autant de commandes qu’en 2020.

Géants des mers

Elles portent surtout sur des gros-porteurs de la classe de l’Ever Given, quand bien même sa taille a été critiquée quand il a bloqué le canal de Suez et une partie du trafic maritime. Les principaux chantiers navals des porte-conteneurs sont en Corée du Sud et en Chine et les premières livraisons attendues en 2023.

Cette hausse traduit la confiance du secteur dans la reprise de l’économie après la pandémie, selon le Financial Times. Le commerce en ligne et des prix du transport en hausse dopent les appétits. L’industrie mise sur des bâtiments de taille car ils engendrent des économies d’échelle faisant, à l’unité, baisser les prix et les émissions. Par colis, le transport maritime pollue moins que les autres.

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«Les évolutions géopolitiques récentes jouent sans doute un rôle dans cette hausse», estime Olivier Straub, secrétaire général de la Swiss Shipowners Association, alors que les années Trump ont été marquées par des tensions croissantes entre Pékin et Washington. «L’industrie fait aussi un énorme effort pour réduire son impact environnemental et les armateurs sont souvent incités à changer de bateaux», relève-t-il. L’Organisation maritime internationale a émis des règles, en janvier 2020, visant à réduire de moitié la teneur en soufre des émissions des bateaux. Environ 90% du commerce transitent par les océans, selon l’ONU.

Des profits importants en 2020 expliquent aussi cet engouement. Après un hiver marqué par la fermeture de l’économie chinoise, la demande s’est ressaisie. Le secteur a dégagé d’importants bénéfices au second semestre. Les blocages ont accentué les déséquilibres dans la répartition des conteneurs (certains ports en ont trop, d’autres pas assez) et généré une hausse des prix.

Envolée des prix

Les principales envolées ont eu lieu sur une des plus grandes routes, reliant la Chine à l’Europe. Fin février, acheminer un conteneur de 40 pieds de Shanghai à Rotterdam coûtait 8000 dollars contre 2000 dollars douze mois plus tôt, selon le cabinet Bimco. Les prix ont compensé une légère baisse en termes de volumes transportés. Le niveau de marge opérationnelle moyen des dix principaux armateurs publiant leurs résultats (ce qui exclut MSC), était de 24,5% au dernier trimestre, selon l’organisation Alphaliner. Jamais, en douze ans, les résultats des armateurs n’avaient été aussi élevés.

Parmi les principaux acheteurs en mars figure Ever Green, qui gère l’Ever Given. Le groupe taïwanais a acheté 20 navires de plus de 15 000 TEU. «MSC a augmenté sa capacité de transport de conteneurs l’an dernier», indique de son côté le porte-parole du groupe genevois. Avec 3,8 millions de capacités en TEU, MSC est le deuxième armateur mondial, derrière le danois A.P. Møller-Mærsk (mais il pourrait bientôt le dépasser, selon le cabinet SeaIntelligence).

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La Suisse, même si elle n’a pas de frontières maritimes, dépend autant que l’Allemagne et l’Irlande du commerce maritime, selon une étude publiée en février. Elle figure parmi les dix premières puissances maritimes en termes de capacité de transport, en quatrième position en Europe derrière la Grèce, le Danemark et l’Allemagne.

MSC, le groupe vaudois Suisse-Atlantique et Reederei Zurich AG sont les principaux armateurs helvétiques aux côtés du nyonnais ABC Maritime, du genevois Massoel, du tessinois Nova Marine et de Cadena RoRo, un groupe qui s’est établi à Nyon en 2020. Une partie de l’activité maritime des grands négociants (de Cargill à Mercuria et Trafigura) est aussi menée en Suisse.