Mobilezone ne se contente plus de vendre des téléphones mobiles dans ses 124 magasins. La société, qui compte 391 employés, investit aussi désormais dans le segment des entreprises. L'occasion de rencontrer son jeune directeur Martin Lehmann, qui avait cofondé la société le 1er mai 1999. Il dirige Mobilezone depuis le 1er juillet dernier.
Le Temps: Vous ambitionnez de vendre cette année 600 000 téléphones mobiles, contre 500 000 en 2006. Comment expliquez-vous une telle croissance alors que le marché est saturé?
Martin Lehmann: Tout simplement parce que les gens changent de plus en plus souvent de portable. Il y a peu, le cycle de renouvellement était de deux ans. Désormais, il se situe plutôt autour des vingt mois, et il continue à se raccourcir. Je ne pense cependant pas que l'on descende à l'avenir sous les douze mois. Les fabricants de téléphones portables continuent à proposer des mobiles attrayants avec de nouvelles fonctions. Et les opérateurs les subventionnent toujours de façon importante. Seule une petite partie des clients, principalement ceux qui utilisent des cartes prépayées, gardent plus longtemps un téléphone simple auquel ils sont habitués.
Quelles sont aujourd'hui les fonctions les plus demandées sur un nouveau portable?
C'est un mélange, il n'y a pas vraiment de «killer application». L'on désire un appareil photo avec une résolution de trois millions de pixels, beaucoup de mémoire pour écouter de la musique. Ces portables sont de plus en plus chers, et les consommateurs sont d'accord de payer le prix, même lors du renouvellement d'un abonnement. La dernière tendance est celle du GPS: il y a une demande énorme pour les derniers Nokia équipés d'un système de navigation et de cartes pour les pays alpins utilisables trois ans.
Qu'en est-il de la messagerie électronique?
La demande augmente doucement. D'abord, ce n'est pas une fonction nouvelle: il y a douze ans déjà, j'envoyais des e-mails depuis mon Nokia Communicator. A part les hommes d'affaires, ce sont en fait aujourd'hui les jeunes qui sont demandeurs. Ils utilisent par exemple le Ogo de Swisscom pour chatter et s'écrire des e-mails, mais ils le font aussi depuis leur téléphone mobile. Les applications existent et, pour beaucoup, un petit clavier de téléphone suffit amplement pour écrire des e-mails.
Par contre, le visiophone semble être un flop total, personne ne l'utilise...
Absolument. Et pour une raison bien simple: nous n'avions pas l'habitude d'utiliser ce service avant qu'il soit disponible sur portable. L'échec était couru d'avance.
La télévision sur son téléphone ne connaît pas un grand succès...
Son utilisation va augmenter fortement avec la retransmission de matches de l'Euro 2008 en DVB-H: l'image sera nettement meilleure qu'avec la technologie actuelle. Les fabricants de portables sont prêts, mais il faudra que leurs nouveaux appareils soient simples: je veux passer à la chaîne 5 lorsque j'appuie sur la touche 5 de mon téléphone...
Les offres prépayées de Migros et Coop continuent d'attirer de nombreux clients. Comment l'expliquez-vous?
Je pense qu'il ne s'agit pas seulement de nouveaux utilisateurs de téléphones, comme des personnes plus âgées. De nombreux clients sont désormais sur les listes rouges des opérateurs à cause de factures impayées. Pour eux, la seule solution est d'acheter un portable une cinquantaine de francs avec une carte à recharger.
Revenons au principe du subventionnement des mobiles. Sa fin a été plusieurs fois annoncée, or les portables gratuits sont toujours là...
Absolument. Bien sûr, on est loin des années 1999-2000 lorsque l'on recevait une PlayStation ou un frigo lorsque l'on achetait un portable. Mais les opérateurs continuent de subventionner massivement les téléphones pour les proposer gratuitement ou à faible coût. Bien sûr, ils ont fait leurs calculs: ils récupèrent les centaines de francs investis via le prix des communications. Les opérateurs sont satisfaits, les clients en sont conscients: il n'y a aucune raison que le subventionnement disparaisse.
Votre situation est particulière: vous dépendez des opérateurs pour ce subventionnement, et vous êtes leur concurrent pour la vente des téléphones...
C'est vrai. Il y a coopération et concurrence, mais tout le monde y gagne. Avec 30% de parts de marché, nous sommes le second vendeur de portables, juste derrière les magasins de Swisscom, mais devant Sunrise et Orange. Les opérateurs ont de toute façon besoin de nous vu l'importance de notre canal de vente. Et cela ne crée aucune tension.
Pour un client qui veut renouveler son abonnement, quel est son intérêt à venir chez vous plutôt que dans un magasin d'un opérateur?
Nous offrons exactement le même service de renouvellement d'abonnement, au vu le profil du client. Et depuis la semaine passée, Sunrise nous autorise à faire de la publicité active pour les renouvellements, ce qui est très positif pour nous. De plus, vu les prix d'achat des appareils dont nous bénéficions, nous sommes souvent plus avantageux que les opérateurs. Et nous disposons souvent des appareils avant eux.
Face à vous, la chaîne The Phone House annonce vouloir doubler sa part de marché de 9 à 18% d'ici à 2008...
Ce sont de belles paroles, qu'ils agissent! Nous sommes sereins, je préfère être à ma place plutôt qu'à celle de leur responsable suisse...
Vous avez gagné un demi-point de parts de marché au premier semestre, à qui l'avez-vous pris?
Je pense surtout aux petits magasins indépendants, pour qui la vente de téléphones est une petite partie des activités. Vu la complexité des appareils et le volume nécessaire pour offrir des prix intéressants, leur nombre diminue régulièrement. Mais tous ne vont pas disparaître. Je pense qu'une cinquantaine d'entre eux, qui font bien leur travail, qui sont certes plus chers mais qui ont un contact privilégié avec leur clientèle, vont subsister.
A propos de qualité de service, de nombreux utilisateurs se plaignent de devoir se battre avec un téléphone où tout reste à configurer.
Cela ne doit pas être le cas chez nous. A moins que le client le refuse expressément, il ressort de notre magasin avec un téléphone prêt à l'emploi.
Mais ce qui pousse de nombreuses personnes à garder leur téléphone, c'est la difficulté qu'il y a à transférer toutes ses données d'un portable à l'autre.
Même si les logiciels de transfert se sont améliorés, cela reste une opération délicate. Bien sûr que nos employés seraient qualifiés pour ce genre d'opération. Mais vu que cela touche aux données privées des clients, nous préférons ne pas fournir ce service.
Quels sont les fabricants de portables qui ont le vent en poupe?
Nokia reste de loin la marque préférée des Suisses, ses portables constituant environ 50% de nos ventes. Samsung, dont l'interface est très proche, progresse bien, de même que SonyEricsson, devenu très fort dans l'optique et la musique. Au niveau business, des marques telle HTC vendent de plus en plus de mobiles.
Espérez-vous pouvoir vendre l'iPhone en 2008 en même temps qu'un ou plusieurs opérateurs?
Absolument, ce serait tout à fait envisageable, même s'il est trop tôt pour en parler. Par ailleurs, je pense qu'Apple devra améliorer le produit lorsqu'il viendra en Europe, car il risque de paraître obsolète face aux progrès de Nokia, par exemple.