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L'invité. Trois propositions pour un fédéralisme capable d'augmenter la compétitivité (II)

La Suisse ne va ni très bien ni très mal. On peut considérer qu'elle est

La Suisse ne va ni très bien ni très mal. On peut considérer qu'elle est «en panne» avec cependant une très nette aggravation de son endettement par rapport au PIB, lequel s'exprime aussi de façon brutale en chiffres absolus puisque les dettes des collectivités publiques (Confédération, cantons et communes) passent de 207499000000 francs en 2000 à 253205000000 francs en 2005. Si l'on rappelle que la dette fédérale a passé de 40 milliards en 1990 à 130 milliards environ à fin 2004, on mesure la glissade inquiétante d'un Etat qui a vécu au-dessus de ses moyens.

Quelles solutions? Le peuple et les cantons ont adopté le projet de modification constitutionnelle introduisant ce qu'il est convenu d'appeler la RPT, à savoir la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Il s'agit, selon le message du Conseil fédéral, de renforcer et de moderniser les structures fédérales de la Suisse, ce qui suppose un désenchevêtrement des tâches et du financement. Il s'agit en outre d'améliorer la collaboration à l'échelon fédéral, de développer notablement la collaboration intercantonale et de rendre la péréquation financière entre les cantons plus efficace et plus gérable politiquement.

Que penser de cette réforme? Elle a le mérite de vouloir améliorer la situation mais il ne faut pas se leurrer: les effets pratiques et politiques de cette nouvelle RPT seront d'augmenter le rôle directeur et régulateur de la Confédération, aux dépens des cantons, de plus en plus réduits au rôle d'agents d'exécution de tâches nationales.

La recherche de solutions est difficile pour de multiples raisons:

– Premièrement, en raison de la schizophrénie et de l'irresponsabilité de nombreux responsables: officiellement il n'y en a point qui soient contre le fédéralisme. Pourtant le même politicien dont le discours participe de cette belle unanimité de surface n'hésitera pas le plus souvent à utiliser les trois niveaux de l'Etat en fonction de critères d'opportunité à court terme.

– Deuxièmement, le débat est plus politique que rationnel. Dans la mesure où le socialisme veut tout niveler par la centralisation, on ne saurait lui reprocher de faire son miel de l'affaiblissement du fédéralisme. En revanche, les forces libérales portent une lourde responsabilité en ne défendant pas bec et ongles un système qui favorise la diversité, la concurrence, la discipline et l'ambition.

– Troisièmement, il n'y a pas de fédéralisme fort sans responsabilité financière des cantons. Si l'on veut restaurer la capacité des cantons à être des facteurs de succès, d'invention, de création, il faut procéder à une révolution fiscale inévitable: redonner aux cantons la compétence exclusive en matière d'impôts directs, les impôts indirects, dont la TVA, demeurant l'apanage de la Confédération. Seul ce nouveau partage des ressources, accompagné d'une gestion plus rigoureuse des finances publiques à tous les niveaux, permettra de redonner aux cantons la liberté et la responsabilité de nombreux domaines où l'intervention fédérale viole le principe de subsidiarité.

– Quatrièmement, il n'y a pas de place dans le débat pour le modèle d'une Suisse non fédéraliste. Si l'on veut bien dépasser l'incohérence de la posture schizophrénique relevée ci-dessus, il convient de définir des actions concrètes capables de redonner vigueur aux cantons et efficience à l'ensemble de l'appareil public.

Cela nous conduit à formuler les trois propositions suivantes:

Premièrement, la recherche d'efficience et d'économie ne doit pas se faire exclusivement – contrairement à la RPT – dans le rapport Confédération-cantons, mais dans une nouvelle architecture de l'ensemble constitué par le canton et ses communes. Dans chaque canton, il convient de repenser l'ordre et les attributions des pouvoirs dans le sens d'un seul niveau décisionnel par matière, ce qui doit conduire à des réformes fondamentales de structure (fusion de communes). En gardant à l'esprit qu'un pays ne peut se passer de communes fortes, vivantes et saines, que les cantons ne sont aujourd'hui plus que l'ombre de ce qu'ils étaient, il faut inciter tous les cantons, dans le respect de leur souveraineté, à mettre en chantier une réforme des rapports entre les communes, élément essentiel de la liberté, de la sécurité et de la responsabilité, et eux-mêmes. Partant du principe de subsidiarité et de l'économie des moyens, le canton doit accroître son efficience interne en devenant davantage un facilitateur, un fédérateur, un garant qu'un gestionnaire partout où une tâche peut être laissée au niveau de la commune, elle-même renforcée.

Deuxièmement, partout où le pouvoir de décision est passé des cantons à la Confédération, il faut distinguer chez les premiers les fonctions d'exécution du droit fédéral (un seul niveau de décision cantonal et un seul recours au niveau fédéral) de celles d'exécution des tâches qui leur restent propres. Ces tâches doivent être financées par la Confédération.

Troisièmement, les cantons, restaurés dans leur souveraineté fiscale et dans leur capacité de décision, doivent s'affirmer vis-à-vis de la Confédération, non comme des quémandeurs ni des «Neinsager» frustrés, mais comme une force d'équilibrage d'un certain centralisme nécessaire et effectif, notamment par deux instruments:

– d'une part, le Conseil des Etats qui ne sera plus la voix de cantons-fantômes mais celle de collectivités territoriales ayant réussi à intégrer la perception communale et cantonale des intérêts en jeu;

– d'autre part – comme le veut la nouvelle RPT – par une collaboration toujours plus intense entre les cantons, renforcés par leur efficacité retrouvée dans leur rôle de contre-pouvoir de la Berne fédérale.