Moins d’une semaine après le G20 de Londres et la publication, le 2 avril au soir, des listes controversées des pays ou entités plus ou moins coopératifs par l’Organisation de coopération et de développement économique, la «mise sous surveillance» se précise. Une conférence de presse sera donnée ce mardi à Paris au château de la Muette, siège de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), par son directeur général Angel Gurría et le Commissaire européen chargé de la fiscalité et des douanes, le Hongrois László Kovács. Preuve que la Commission européenne, à la fois discrète et ambiguë sur la question des listes avant le G20, entend maintenant mettre tout son poids dans la balance pour en assurer le suivi. La Suisse, placée dans la liste «grise» des places financières ayant pris des engagements à concrétiser, sera au centre des débats alors que le Conseil fédéral doit, mercredi, apporter des précisions sur les réponses que Berne entend donner.

Ce partenariat entre Paris et Bruxelles fait toutefois grincer des dents au sein de l’Union européenne (UE). En marge du sommet de l’OTAN samedi, la délégation luxembourgeoise pestait ouvertement contre l’OCDE et ses pratiques, et contre la volte-face de dernière minute de la Commission européenne. «Que l’OCDE publie une liste à entrées multiples, sur des critères discutables, est déjà un problème, confirme au Temps un haut-responsable luxembourgeois. Mais que la Commission l’approuve, ne tenant aucun compte des opinions publiques et des problèmes domestiques de pays membres de l’UE comme le Luxembourg, l’Autriche ou la Belgique est encore moins acceptable. Cette ambiance de procès, et cette course aux signatures de conventions de double imposition n’est pas acceptable.» Ce week-end encore, le minitre belge des Finances, Didier Reynders, a ironisé: «ça fait un peu sourire, en Belgique, de voir que les îles Anglo-normandes sont considérées, tout comme les îles Vierges, comme n’ayant aucun problème.»

La Commission est accusée par les pays-membres placés sous surveillance - Belgique, Autriche, Luxembourg - de n’avoir pas tenu parole. A la veille du G20, son président, José Manuel Barroso, avait publiquement redit que la publication d’une liste «n’était pas la priorité». Les conclusions du sommet européen des 19 et 20 mars étaient aussi restées vagues sur le sujet, et des promesses formelles, à en croire des sources bien informées, avaient été faites aux Luxembourg et à la Suisse sur le fait qu’aucune liste ne serait publiée.

«Nicolas Sarkozy voulait une liste à tout prix»

Que s’est-il passé à Londres alors? Les regards accusateurs se tournent vers Nicolas Sarkozy. Le président Français y aurait été le plus pugnace pour exiger une liste. En maniant le froid et le chaud vis-à-vis de ses pairs européens, selon un participant: «Sarkozy a dit sans états d’âme à Juncker - le premier ministre luxembourgeois - qu’il suffisait d’accélérer la signature d’accords pour sortir de cette liste. Il voulait une liste à tout prix.» Sans que soient mises sur la table les comparaisons entre les destinations «blanchies» par la liste de l’OCDE comme Jersey, Guernesey, l’Etat américain du Delaware ou l’Ile de Man, et les places financières placées dans la liste «grise» comme la Suisse ou Luxembourg. Ni Berne, ni le Grand-Duché n’étant représenté au G20.

Dans un entretien aux Echos publié lundi, le secrétaire général de l’OCDE défend l’absence de Macao et Hong Kong car la liste, établie sur des critères «clairs, transparents et établis de longue date», ne comprend que «les juridictions souveraines». Angel Gurría estme par ailleurs que l’«exigence de transparence va s’appliquer bientôt n’importe où», y compris dans des places comme le Delaware. De son côté, la ministre française de l’Economie, Christine Lagarde, annonce dans le même journal préparer des sanctions contre les banques qui continueront à utiliser les paradis fiscaux, en relevant les exigences de fonds propres ou en taxant les flux entrants et sortants de ces pays.

«La présidence tchèque a bien défendu les intérêts des pays membres de l’UE ciblés par l’OCDE, poursuit notre interlocuteur luxembourgeois. On ne peut pas en dire autant de la Commission.» Un sujet assuré très vite de revenir dans les débats communautaires. Le 23 avril, le parlement européen débattra à Strasbourg du rapport consultatif du socialiste Français Benoît Hamon, proposant de généraliser l’échange automatique d’informations bancaires au sein de l’UE à partir de 2014. Puis le 5 mai, les ministres des Finances de l’Union en reparleront lors du Conseil Ecofin à Bruxelles.

Collaboration: Frédéric Lelièvre