L’OCDE tance la politique agricole suisse
Subventions
AbonnéDans son dernier rapport «Politiques agricoles», l’OCDE dénonce l’agriculture suisse comme l’une des plus subventionnées du monde. Globalement, ce sont plus de 500 milliards de dollars d’aides publiques qui faussent les marchés, brident l’innovation et nuisent à l’environnement, selon les experts de l’organisation

Le soutien aux paysans suisses a coûté 6,1 milliards de francs en 2019 à la Confédération. C’est 600 millions de francs de plus que l’année précédente. Dans les années 1986-88, cette somme montait à 6,8 milliards de francs. En pourcentage de l’aide totale à l’agriculture, sa part est passée tout de même de 80% à 50% sur cette période. Malgré la baisse, les subventions agricoles suisses – 1% du produit national brut (PIB) – restent trois fois supérieures à la moyenne de l’OCDE. Globalement entre 2017 et 2019, elles ont représenté 49% des revenus paysans.
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La baisse des subventions suisses est toutefois compensée par des paiements directs accordés aux agriculteurs par la Confédération. Dans la mesure où ils sont de moins en moins tolérés par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ces paiements sont théoriquement versés en échange des prestations – protection de l’environnement et maintien du paysage rural – fournies par les paysans.
Conditions difficiles en Suisse
Ces informations sont fournies par l’OCDE, le club de pays riches qui a publié mardi son rapport annuel «Politique agricoles: suivi et évaluation». Ce document attendu par les milieux concernés fait le point sur les pratiques agricoles de ses 54 membres ainsi que sur 10 grands pays émergents. En ce qui concerne la Suisse, le rapport indique que la recherche de la sécurité alimentaire du pays devrait s’appuyer sur le renforcement de la compétitivité du secteur agricole plutôt que sur des paiements directs. Le rapport n’aborde toutefois pas le fait que les conditions de production en Suisse sont particulièrement exigeantes et par conséquent plus coûteuses.
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L’OCDE conseille également à la Suisse de poursuivre sa politique de réduction des obstacles à l’importation par des barrières tarifaires et non tarifaires et d’élimination des subventions à l’exportation de produits agricoles, notamment de produits transformés. «Ces mesures allégeront davantage la charge qui pèse sur les consommateurs et les distorsions qui s’exercent sur les marchés», écrivent les auteurs du rapport. Par ailleurs, ces derniers ne voient pas d’un bon œil l’introduction des paiements à la production de lait et la rétribution à l’hectare pour les céréales, dont l’objectif est de compenser la baisse des subventions à l’exportation. Selon l’OCDE, les mesures compensatoires devraient être temporaires.
Le Covid-19 offre une occasion
Pour l’ensemble de la politique agricole mondiale, l’OCDE n’est pas moins sévère. Les 64 pays scrutés ont consacré une moyenne de 536 milliards de dollars par an pour la période 2017-2019 sous forme de soutien agricole. La moitié de cette manne sert à maintenir les prix intérieurs en dessous des niveaux internationaux. «Ces politiques faussent les marchés, brident l’innovation et nuisent à l’environnement, déplorent les experts de l’OCDE. En revanche, les dépenses en recherche et développement, pour les infrastructures ou pour la biosécurité ont atteint à peine 106 milliards.»
L’OCDE dénonce encore le fait qu’au niveau mondial, plus d’un neuvième des recettes agricoles est fourni par les contribuables. Dans certains cas, en Suisse par exemple, c’est la moitié. Ses experts estiment qu’au moment où les budgets nationaux sont sous pression pour cause de Covid-19, le moment est propice à une réduction des subventions qui génèrent des distorsions commerciales. Selon eux, les Etats doivent progressivement recentrer les moyens sur les services publics qui rendent le secteur agricole plus performant et plus écologique.