L’odeur de l’argent
Ma planète finance
L’article 102 du code pénal a le vent en poupe. Le procureur général de la Confédération l’a lui-même martelé dans ces colonnes il y a une dizaine de jours: il n’hésitera pas à poursuivre des entreprises impliquées dans des affaires de corruption et de blanchiment d’argent

L’article 102 du code pénal a le vent en poupe. Le procureur général de la Confédération Michael Lauber l’a lui-même martelé dans ces colonnes il y a une dizaine de jours: il n’hésitera pas à poursuivre des entreprises, et des banques en particulier, impliquées dans des affaires de corruption et de blanchiment d’argent. Un discours qui prend tout son sens au moment où les scandales financiers, dont on aurait aimé croire qu’ils appartenaient au passé, se multiplient (Petrobras, 1MDB, FIFA…).
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L’article 102 a été introduit dans le code pénal suisse en 2003. Il stipule qu’une entreprise peut voir sa responsabilité pénale être engagée si elle n’a pas pris «toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher l’infraction». Problème: il n’a été utilisé que très rarement jusqu’à présent. Il fait d’autant moins peur qu’il prévoit une amende maximale de 5 millions de francs, autant dire «peanuts» comparée aux milliards de dollars d’amendes infligés aux banques par le Département de justice américain.
Certains espèrent néanmoins que cet article soit étendu un jour à d’autres crimes que le blanchiment, la corruption et le financement du terrorisme. Et, plus particulièrement, qu’il soit possible de l’utiliser contre des entreprises ayant violé des droits de l’Homme en exploitant, par exemple, des enfants au travail.
La semaine dernière à l’Université de Genève, des avocats se sont évertués à faire passer ce message dans le cadre d’un séminaire consacré aux droits de l’Homme dans le monde des affaires. Sauf que face à eux, ils ont trouvé un représentant d’une grande banque suisse, historien de son état, qui ne l’entendait pas de cette oreille. Selon lui, les banques font déjà le job avec toutes les procédures qui leur incombe de mener aujourd’hui pour être sûr de bien connaître leurs clients.
A l’entendre donc, nul besoin de rendre de nouvelles normes contraignantes, furent-elles liées aux droits les plus essentiels. Car il est évidemment bien connu que quand l’argent a une sale odeur, pour être passé entre les mains sanguinaires d’un dictateur par exemple, les banques n’ont pas pour habitude de l’accepter. Pas besoin d’être un historien pour le savoir.