Un communiqué discret a été publié mardi. Il émane d’une start-up romande méconnue, et il a échappé au radar des agences de presse. Foodetective, gérée depuis un appartement situé à la route de Frontenex, à Genève, symbolise pourtant ces nouveaux acteurs de la restauration, qui prennent leur envol en pleine pandémie. Dans ce secteur sinistré, les sociétés de livraison à domicile ne sont pas les seules à tirer leur épingle du jeu en ces temps troublés.

Quelques chiffres d’abord: Foodetective recensait en janvier quelque 7000 restaurants membres. Ils sont désormais près de 16 000. En début d’année, quatre bistrots avaient souscrit un abonnement payant, un chiffre qui est passé à 539 la semaine dernière.

«La plateforme centrale du restaurateur»

«Nous voulons être la plateforme centrale du restaurateur, celle qui lui permet de faire tout ce qu’il veut, indique Andrea Tassistro, l'un des fondateurs. De gagner du temps, de l’argent, d’y voir clair dans ses dépenses, ce qui n’est souvent pas le cas.» De gagner de la place aussi: son unique interface intègre les services des tablettes des sociétés de livraison à domicile (de Smood.ch à Uber Eats), qui pullulent souvent sur les comptoirs.

De la gestion des livraisons en passant par celle de la caisse, des réservations, des stocks, des publicités ou de la paie des serveurs, Foodetective prend tout en charge. Plus besoin de document Excel ou de paperasse pour commander ses frites, le poisson ou les bouillons Maggi non plus. Tout se fait sur son interface où sont réunis un nombre croissant de fournisseurs membres, dont désormais Nestlé et sa division Nestlé Professional, consacrée notamment aux restaurants.

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Sous la forme d'un abonnement

Car parmi les membres de Foodetective, on trouve aussi des grossistes. On peut citer parmi eux le spécialiste en alcool Dorga, la Brasserie des Murailles, Bisa et Bevanar, en Suisse, et, en Europe, des poids lourds comme le britannique Collectiv Food et le groupe français Rungis.

Ces entreprises y trouvent leur compte car le démarchage des restaurants, long et coûteux, est simplifié sur un seul portail. Sur la plateforme, un consommateur lambda peut d’ailleurs contacter aussi bien les restaurants, pour se faire livrer des plats ou réserver une table, que les grossistes, s’il désire acheter des quantités importantes à moindre prix.

A-t-on affaire à un Booking.com ou à un Uber de la restauration? «Non car nous donnons accès à tout le monde aux données des clients et parce que nous ne prenons pas de commissions mais nous proposons un abonnement, répond Andrea Tassistro. Nos clients peuvent se contacter entre eux, sans passer par Foodetective.»

Quinze employés et quatre bureaux

La société emploie 15 personnes, possède quatre bureaux, dans des appartements ou des incubateurs, à Genève, Paris, Londres et Madrid, et peaufine son logiciel depuis trois ans. Créée début 2018, elle a bénéficié d’un investissement de 1,5 million de francs en début d’année, auprès d’investisseurs suisses surtout. Des discussions portant sur une levée de fonds plus importante sont en cours. Le groupe entend développer ses services en Europe où il prévoit d’ouvrir d’autres bureaux. Son service est disponible en dix langues.

Des américains Ordermark et Omnivore au belge Deliverect, la concurrence se précise, même si elle demeure largement absente en Suisse, mais Andrea Tassistro estime figurer parmi les pionniers du secteur. «Deux GAFA [acronyme pour Google, Amazon, Facebook et Apple, ndlr] sont venus nous voir dans l’optique d’un partenariat pour utiliser ou intégrer notre technologie», lâche-t-il d’ailleurs. Signe que, du côté de la Silicon Valley, on suit de près ce qui se passe à la route de Frontenex.


Frénésie pour la livraison à domicile

Les sociétés comme Uber Eats et Smood.ch suscitent un engouement inédit cette année. Le site d’e-commerce suisse DeinDeal fait son entrée sur ce marché

En cette année de pandémie, le marché de la livraison à domicile explose. Les ventes d’Uber Eats en Suisse ont augmenté de 600% au deuxième trimestre, a fait savoir le groupe Uber. Cette année, plus de 1000 restaurants sont venus compléter son offre helvétique, dans 17 villes.

Frénésie comparable chez Smood.ch et Eat.ch. Chez ce dernier, on indique qu’il y a eu plus de commandes durant la deuxième vague de la pandémie que pendant la première. Le groupe alémanique a ouvert un centre ce mois-ci à Genève où il emploie 100 livreurs, un chiffre qui devrait passer à 250 à la fin de janvier. La société genevoise Hop Delivery a évoqué une croissance de 600% auprès de la RTS la semaine dernière.

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Un site d’e-commerce suisse, DeinDeal, s’est lancé cet automne sur ce marché à Zurich et à Genève, où il a engagé une trentaine de coursiers. Il prévoit d’enchaîner à Lausanne en décembre. «Nous ne faisons pas payer les livraisons aux clients, nous employons nos livreurs et nous n’espérons pas être rentables, mais à l’équilibre. Nous voulons que nos coursiers, à l’uniforme et au sac DeinDeal, soient les ambassadeurs de notre marque en ville», indique son patron, Allen Krief. «Faire de la publicité sur les sites des GAFA, c’est devenu très cher pour un acteur local en Suisse.» R. E.