Commerce
L’Organisation mondiale du commerce prévoit un changement de statut pour la Chine à la fin 2016. Victime du dumping chinois, l’industrie sidérurgique européenne monte aux barricades

Faisant cause commune et bravant le froid, quelque 2000 ouvriers, cadres et patrons de la sidérurgie européenne ont protesté lundi à Bruxelles contre le dumping de produits chinois sur le marché européen. Issus de dix-huit pays et des plus grandes entreprises, ils ont réclamé des mesures de protection urgentes afin d’assurer la pérennité de l’industrie européenne de l’acier et des emplois. Le secteur compte un million de salariés.
La centrale syndicale Eurofer et l’organisation patronale AEGIS qui regroupe une trentaine d’activités (acier, céramique, verre) ont affirmé que 7000 emplois ont été sacrifiés en Europe rien que durant les six derniers mois. «Depuis 2008, ce sont 85 000 places de travail qui ont été supprimés à cause des importations à prix cassés qui ne reflètent pas les vrais coûts de production», a dénoncé lundi Geert Van Poelvoorde, président d’Eurofer. La Chine représente aujourd’hui près de 50% de la production mondiale de l’acier, contre 10% en 2002. Avec 11%, l’Europe est le deuxième producteur mondial.
Dans une lettre adressée la semaine passée à la Commission et au Conseil, huit Etats, dont l’Allemagne et la France, ont dénoncé la pratique commerciale déloyale de la Chine. Lundi, lors d’une visite d’une entreprise à Roubaix, dans le nord de la France, le ministre français de l’Economie Emmanuel Macron a haussé le ton, affirmant que la sidérurgie européenne était attaquée de manière injuste par les Chinois. «L’Europe doit se protéger, s’armer contre ces pratiques, a-t-il dit. Nous avons les moyens de le faire vite.»
La manifestation d’hier a également servi de plateforme contre les pratiques commerciales déloyales de la Chine. Plus précisément, AEGIS demande à l’Union européenne (UE) de lui refuser le statut d' «économie de marché». «Ce pays ne joue pas sur le même pied d’égalité, a dénoncé Antonio Tajani, ancien commissaire européen et à présent, vice-président du Parlement européen, en adressant aux manifestants. En subventionnant la production d’acier, Pékin inonde le marché et tue notre industrie à petit feu.»
Selon l’accord de son adhésion à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) de 2001, la Chine aura droit au statut d’économie de marché à la fin 2016. Elle sera alors protégée de toute mesure unilatérale d’antidumping. A présent, ses exportations font l’objet de vingt-deux restrictions. Vendredi dernier, l’UE a informé le gendarme du commerce mondial de l’ouverture de deux nouvelles enquêtes sur des produits (tubes, tôles fortes et acier laminé à chaud). Dans deux cas précédents, Pékin avait protesté auprès de l’OMC et avait obtenu gain de cause. C’était en 2012.
L’an dernier, une étude publiée par AEGIS mettait en garde contre tout changement de statut. Selon elle, les exportations accrues chinoises réduiraient la production industrielle européenne de 228 milliards d’euros par an. Elle estime les pertes d’emplois entre 1,7 à 3,5 millions à court terme dans les secteurs concurrencés. «Donner à la Chine le statut d’économie de marché revient à lui offrir un permis illimité de dumping», avait affirmé Milan Nitzschke d’AEGIS lors de la publication de l’étude.
A l’approche de l’échéance de la fin 2016, la balle est dans le camp de la Commission. Après avoir négligé de saisir de la question durant des années, elle l’avait mise à l’agenda du Sommet européen de février dernier. Aucune décision n’a toutefois été prise. Une consultation publique en la matière vient d’être lancée et une décision serait éventuellement prise d’ici l’été. Celle-ci sera alors soumise à l’approbation du Parlement européen qui, lors d’un récent débat, a déjà montré son opposition à tout changement.
De son côté, Pékin ne fait pas la sourde oreille aux préoccupations européennes. En ce qui concerne l’acier, la Chine a promis de réduire ses exportations. Selon une dépêche de Reuters publiée lundi, elle a exporté 9,74 millions de tonnes de produits sidérurgiques en janvier, en baisse de 8,6% par rapport au mois précédent et de 5,3% sur un an.