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L’université qui enseigne le futur ouvre une antenne à Genève

Fondée par deux gourous de la Silicon Valley, avec le soutien de Google et de la NASA, la Singularity University a pour vocation d’offrir aux décideurs un avant-goût des ruptures économiques, politiques et sociales à venir, induites par les nouvelles technologies. Objectif: les préparer à agir dans l’intérêt de l’espèce humaine

D’après le futurologue américain et directeur de l’ingénierie chez Google Ray Kurzweil, l’intelligence artificielle dépassera l’intelligence humaine en 2045. — © JEROME FAVRE
D’après le futurologue américain et directeur de l’ingénierie chez Google Ray Kurzweil, l’intelligence artificielle dépassera l’intelligence humaine en 2045. — © JEROME FAVRE

A la fois institut académique, groupe de réflexion et incubateur de start-up, la Singularity University (SU) est un repère d’adorateurs du progrès technologique et de ses effets sur le genre humain. Cet ovni de l’enseignement supérieur mondial, basé en Californie, ou plus exactement dans le centre de recherche de la NASA, s’est donné pour mission d’aider les décideurs d’aujourd’hui à préparer le monde de demain. En leur préfigurant le potentiel du développement exponentiel du numérique, des biotechnologies, des nanotechnologies, de l’intelligence artificielle ou encore des neurosciences, une fois mis au service des grands défis de l’humanité, comme l’environnement, l’alimentation et l’eau, l’énergie, la santé, la sécurité ou la pauvreté.

La méthode SU: programme immersif en campus (12 000 dollars les six jours, mais dont on ressort semble-t-il bouleversé) et rendez-vous intellectuels délocalisés, sortes de groupes de parole locaux regroupant tout ce qu’une région peut compter de cerveaux et fonctionnant sur le principe des salons littéraires du siècle des Lumières. Immersion dans la première séance de remue-méninges franchisée à Genève.

Chapelet de prophéties

Le ballon d’essai a eu lieu mardi dernier, au Flux Laboratory de Carouge, un espace de création pluridisciplinaire expérimental également présent à Zürich. Trame de la soirée à valeur californienne: Prototype 2026. «Bienvenus pour ce voyage dans l’avenir», lance Nicoletta Iacobacci, directrice de la nouvelle excroissance genevoise de la SU.

A l’instar des conférences TED, quatre intervenants de tous horizons (une dirigeante commerciale, un violoniste et deux docteurs en sciences) ont servi de guide à l’assistance – tout aussi hétéroclite – pour un tour d’horizon futuriste. «Comme pour Google, Amazon, Disney, Hewlett-Packard ou Apple, le pacemaker est né dans un garage», relève Christina Hiltscher, directrice marketing chez Medtronic. La multinationale qui l’emploie est à l’origine d’un stimulateur cardiaque miniaturisé, 93% plus petit que les premiers modèles du marché. Conséquence: il n’est dorénavant plus vital de retirer un appareil hors d’usage, vu que le cœur peut en contenir jusqu’à trois de nouvelle génération. «Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère, souligne-t-elle. Nous avons réalisé à ce jour 2500 implants réussis à travers la planète et obtenu en avril dernier le feu vert de la FDA pour commercialiser cette technologie aux Etats-Unis.»

Théories de l’avenir de l’homme

Prochain prophète invité: Gianmarco Veruggio, sommité mondiale de la roboéthique, terme qu’il a par ailleurs inventé en 2002. «Aujourd’hui, 90% de la recherche robotique aux Etats-Unis porte sur des applications guerrières. Il nous reste du temps pour infléchir le cours de l’histoire et ne pas retourner l’essor des machines contre le genre humain. Un appareil autonome ne devrait jamais être autorisé à exterminer la population», plaide-t-il, projections d’image apocalyptiques du film Terminator à l’appui.Le savant génois juge l’humanité encore insuffisamment préparée à la prochaine révolution robotique, celle où les machines seront toutes connectées entre elles grâce au numérique. Pour sa part, la neuroscientifique Anne-Lise Giraud suppose que les personnes atteintes de certaines formes d’autisme pourraient être mieux disposées à appréhender un monde entouré de nouvelles technologies. «Les pathologies reflètent des mutations, relève la chercheuse au Campus Biotech. C’est l’évolution qui décide ensuite de ce qui mérite d’être sélectionné ou doit au contraire disparaître.»

Marier le soleil californien au terroir romand

Pourquoi la SU a-t-elle choisi Genève comme dernier point d’ancrage? La Faculté insolite s’est installée dans les locaux de la Fongit, la pouponnière locale pour jeunes pousses. «Nous visons à importer la formule californienne pour la croiser avec le terrain d’élevage romand en matière d’innovation et d’excellence», précise Nicoletta Iacobacci. Et cette dernière, inspirée par Voltaire, de signaler: «Des personnes influentes qui étaient présentes m’ont proposé de mettre à disposition leur demeure pour l’une de nos éditions, la prochaine étant prévue en septembre.»

La SU a vu le jour en 2008, à l’initiative du scientifique et serial entrepreneur Peter Diamandis, ainsi que du futurologue américain et directeur de l’ingénierie chez Google, Ray Kurzweil. A noter que ce dernier prédit pour 2045 le moment où l’intelligence artificielle dépassera l’intelligence humaine. A en croire les observateurs, cette académie d’un autre genre n’a pas son pareil dans le monde. Elle a déjà breveté plusieurs innovations, donnant naissance à plus d’une centaine d’entreprises en démarrage. Son concept s’est depuis exporté dans 85 pays.

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