Main basse sur l’immobilier américain
Planète finance
Après la crise de 2008, les géants du private equity ont acquis des millions de maisons saisies, pour les louer. Parfois à leurs anciens propriétaires et toujours avec la volonté de saigner les nouveaux occupants

La chute de l’immobilier américain après la crise financière de 2007-2008 a fait des heureux. Les sociétés de private equity qui ont massivement racheté, à prix cassés, des centaines de milliers de maisons saisies. Avant de les louer à leurs anciens propriétaires à des conditions de plus en plus drastiques et avec une voracité sidérante. Pour un gain final en milliards de dollars dans la poche des géants comme Blackstone, alors que des millions de propriétaires étaient transformés en locataires captifs, décrit une remarquable enquête du New York Times.
Après la crise financière, des géants de Wall Street ont acquis le plus possible de maisons individuelles saisies, à un prix souvent de 30 à 50% inférieur à leur valeur, pour les louer. Ces investisseurs gagneraient de l’argent lorsque la valeur des biens repartirait à la hausse pendant que les loyers rembourseraient les emprunts immobiliers. Ce massif transfert de richesse des ménages vers des acteurs de la finance s’est fait avec la bénédiction du gouvernement fédéral. Entre 2007 et 2011, près de 6 millions de foyers américains se sont fait saisir leur maison. Mi-2013, des spécialistes du private equity avaient investi près de 20 milliards de dollars sur ce segment. En octobre 2012, Stephen Schwarzman, le patron de Blackstone, affirmait que sa société investissait 100 millions dans ce type d’opérations par semaine.
Multiplication des frais
Le New York Times montre qu’une pratique courante consistait à louer une maison à son ancien propriétaire. Ou à lui proposer dans un premier temps de racheter son ancien logement, à un prix supérieur. L’article mentionne le cas d’un Californien dont la maison a été vendue aux enchères pour 486 000 dollars. L’acquéreur lui a proposé de la lui céder pour 100 000 dollars de plus, alors que l’ex-propriétaire devait encore rembourser 325 000 dollars sur son hypothèque. L’acquéreur a finalement retiré son offre de vente et utilisé les pires ficelles pour extraire le maximum de revenus à son nouveau locataire.
Loyers en hausse régulière, avec des procédures de paiement complexes et changeantes: le 1er du mois, puis le 3, avec obligation de confirmer le versement par téléphone, histoire de mettre les locataires en défaut et de pouvoir les expulser s’ils devenaient contestataires. Empilement des frais pour tout et rien détaillés dans des contrats de location de plusieurs dizaines de pages. En 2016, ces frais ont rapporté 14 millions de dollars à Cologny Capital, qui a aussi encaissé 14 millions en retenant les cautions des locataires. En échange, l’entretien des maisons était souvent défaillant, dans un climat de pression ininterrompue.
Subprimes, le retour
Enfin, les financiers actifs sur ce marché ont aussi créé des produits titrisés basés sur ces maisons, similaires aux subprimes de sinistre mémoire. Depuis 2017, Blackstone a encaissé 7 milliards de dollars en se retirant de sa filiale Invitation Homes, active dans la location de maisons familiales saisies. Deux fois ce que ce géant du private equity avait investi. Blackstone investit maintenant dans les entrepôts pour le commerce en ligne, le logement pour étudiants ou les sites pour mobile homes.