Malgré la concurrence et un refus de l’innovation, Bamix ne connaît pas la crise

Electroménager La PME fête ses soixante ans d’existence

Jusqu’à 400 000 mixeurs sont écoulés chaque année à l’étranger

Le Bamix, qui fête ses soixante ans cette année, fait partie des inventions typiquement helvétiques, au même titre que le couteau suisse ou le Cenovis. Acronyme de battre et de mixer, l’appareil monte depuis presque trois générations des œufs en neige, fouette la crème ou prépare des purées pour bébés.

Imaginé et conçu en 1954 par le Lausannois Roger Perrinjaquet, l’appareil a conquis le monde entier. Commercialisé dans quarante pays, il est resté fidèle à sa formulation d’origine et se transmettrait dans certains ménages de mère en fille ou en fils. Seul son manche en plastique s’est légèrement modernisé et s’est très discrètement «relooké» pour se décliner désormais en différents coloris.

C’est depuis Mézières (VD) que la société, avec ses 20 employés, gère toutes les foires et la distribution de ses produits sur le marché suisse, où elle travaille avec près de 1000 revendeurs. Elle y possède un entrepôt, un magasin et un atelier avec toute une série de pièces détachées. «La durée de vie de nos appareils dépasse les vingt ans. Nous pouvons réparer des modèles datant des années 60. Toutes les pièces de rechange sont encore disponibles, même pour les modèles les plus anciens», explique Martial Chevalley, directeur de Bamix, en faisant la visite de son entreprise.

La production du mixeur est par contre réalisée au sein de la société ESGE à Mettlen, dans le canton de Thurgovie, la maison mère détentrice du brevet. «Jusqu’à 400 000 pièces sont écoulées chaque année à l’étranger, principalement en Allemagne, au Japon et en Grande-Bretagne, en France et en Chine. La société a établi des partenariats avec des sociétés comme Victorinox ou Laurastar pour créer des synergies auprès des différents revendeurs indépendants avec qui elle travaille.

En Suisse, Bamix distribue entre 25 000 et 35 000 pièces, soit environ 7 à 10% de sa production. L’un des événements clés où la société écoule ses produits n’est autre que l’Olma Messen à Saint-Gall, une foire publique, grande sœur du Comptoir à Lausanne. «Certaines émissions culinaires, de type Top Chef sur M6 ou Pique-assiette sur la RTS, ont donné une nouvelle impulsion à nos produits. Elles nous créent une publicité indirecte, se réjouit Martial Chevalley. Nous sponsorisons d’ailleurs toute une série de cours de cuisine, redevenus très en vogue. Les gens vont moins au restaurant et sont davantage aux fourneaux. Grâce à la crise, nous avons augmenté nos ventes de 10% et sommes aujourd’hui beaucoup plus présents sur le marché français.»

Si la société bénéficie de ces nouvelles habitudes culinaires, elle a subi par contre la cherté du franc. «Nous avons dû diminuer les emplois temporaires à Mettlen mais il n’y a pas eu de licenciements. En tout, 55 personnes y sont toujours actives», précise-t-il.

Le Bamix doit affronter une concurrence féroce dont les représentants possèdent une force marketing considérable. Kenwood, Bosch ou Philips ainsi qu’une ribambelle de producteurs asiatiques se partagent ce marché. «Nous vendons beaucoup d’appareils en Asie grâce à notre label «Swiss made», explique Martial Chevalley. On s’est battus aux côtés de sociétés comme Swatch, notamment, pour continuer à octroyer ce label uniquement à des produits dont 60% des composants sont fabriqués en Suisse. Certains lobbys voulaient abaisser ce pourcentage à 50%. Concernant le Bamix, 92% de ses composants sont fabriqués en Suisse.»

Pas question donc pour la PME de délocaliser en Asie ou de perdre son précieux label. Ce choix stratégique se traduit en termes de prix de vente nettement plus élevé que la concurrence. Suivant les modèles, il est vendu entre 159 et 429 francs, contre 30 et 150 francs pour les mixeurs d’autres marques.

Outre son côté «éternel», le mixeur a l’avantage de faire monter les blancs d’œufs à la vitesse de l’éclair. Grâce à un moteur triphasé d’une puissance de 120 à 350 watts, l’appareil atteint entre 12 000 et 22 000 tours par minute, suivant le modèle. Une machine à bobiner enroule un mince fil de cuivre en quelques secondes. «Nous tournons plus vite qu’un moteur à 600, voire 800 watts. Le plus puissant des mixeurs concurrents n’atteindra pas plus de 15 000 tours par minute, en consommant davantage d’énergie», souligne le jeune directeur, qui a repris la tête de l’entité suisse en 2012.

Très conservatrice, la société Bamix investit peu dans l’innovation. «Nous faisons attention à nos investissements», souligne Martial Chevalley, qui ne dévoile pas le chiffre d’affaires du groupe mais évoque une «bonne rentabilité». La société n’a jamais voulu se lancer dans la production de robots ménagers. «Notre mixeur-plongeur, peu encombrant, rend inutile de nombreux appareils ménagers», précise Martial Chevalley. «Nous misons plus sur des machines ultramodernes et un travail manuel de précision. Même si la comparaison est quelque peu présomptueuse, notre exigence de qualité est comparable à celle d’une montre», note pour sa part Erich Eigenmann, directeur général du groupe.

La PME veut donc rester fidèle à son unique objet. Seul ajout: le SliceSy, qui permet depuis 2003 de râper les légumes. Et pour fêter ses soixante ans d’existence, la société a choisi d’éditer un livre de cuisine.

«Certaines émissions culinaires, telle «Top Chef» sur M6, ont donné une nouvelle impulsion à nos produits»