Acquisition
Dans ses négociations, le chimiste allemand a intégré le risque d’un refus par les autorités de concurrence. Dans ce cas, il paierait deux milliards de dollars de compensation au semencier américain

Après quatre mois de tergiversations et de surenchères, le chimiste allemand Bayer a acheté mercredi Monsanto, le fabricant américain des pesticides et de semences, au prix de 66 milliards de dollars. Mais l’affaire n’est pas encore conclue. Commence maintenant un long chemin semé d’embûches jusqu’à l’obtention du feu vert des autorités nationales et supranationales de concurrence.
Le rachat doit obtenir l’approbation de 30 juridictions, mais surtout, il doit remplir de nombreuses exigences réglementaires strictes qu’imposent les Etats-Unis, l’Union européenne, le Canada et le Brésil.
Bayer en est bien conscient et affirme que le mariage ne pourrait être consommé que vers la fin 2017. Bayer et Monsanto ont pris en compte le risque d’un refus. Le contrat comprend une clause de sauvegarde qui prévoit une compensation de deux milliards de dollars à Monsanto, si le mariage est refusé. Un analyste de Bernstein cité par le Financial Times de mercredi estime la probabilité d’un refus sur la base de la pression politique et de politique anticoncurrentielle à 50%.
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Position dominante
Bayer soumettra le rachat aux autorités de concurrence ces prochaines semaines. Selon Tom Webb, rédacteur du Global Competition Review, une publication spécialisée, basée à Londres et à Washington, le feu vert de la Commission européenne n’est de loin pas acquis. Il rappelle que deux cas similaires dans l’agroalimentaire attendent une décision depuis plusieurs mois. Il s’agit du rachat de la bâloise Syngenta par ChemChina et de la fusion de Dow et Dupont.
En ce qui concerne ce dernier, il serait en phase d’examen avancé, ce qui signifie que beaucoup de questions restent en suspens. Dans tous les cas, les autorités tiendront compte de la concentration en cours dans l’industrie agroalimentaire. Si les trois projets de fusions-acquisitions sont agréés, il n’en restera que trois grands acteurs qui auraient une position dominante sur le marché mondial.
A ce propos, Ralph Boscheck, professeur à l’IMD à Lausanne, fait remarquer que la question des brevets jouera un rôle déterminant dans les décisions des autorités de concurrence. «En Europe, la concentration dans les mains d’un seul groupe peut poser un problème, ce qui serait le cas si le mariage Bayer-Monsanto aboutissait, dit-il. En revanche, les Etats-Unis sont plus pragmatiques et privilégient l’innovation».
OGM, impopulaires en Europe
Sur un autre registre, Tom Webb estime que la Commission ne pénaliserait pas le mariage Bayer-Monsanto du fait que l’entreprise américaine fabrique des organismes génétiquement modifiés (OGM), impopulaires en Europe. «Margrethe Vestatger, la commissaire à la Concurrence, a déjà fait savoir que ses décisions ne sont pas prises ni en fonction de la politique ni de la nationalité des entreprises», explique le spécialiste.
Vu des Etats-Unis, le rachat de Monsanto ne passerait pas non plus sans anicroches. Pallavi Guniganti rédactrice au Global Competition Review, rappelle que l’opération Syngenta-ChemChina attend toujours son feu vert final. «A ce stade, le Département de Justice qui est concerné sur le plan de la sécurité intérieure, a donné son feu vert le mois dernier, explique-t-elle. Les autorités de la concurrence doivent encore se prononcer.»
Selon elle, les Etats-Unis pourraient prendre leur décision en tenant compte de la consolidation en cours sur le plan global. Pallavi Guniganti fait remarquer que le Sénat américain est de plus en plus tatillon sur les fusions et acquisitions lorsqu’il s’agit de l’alimentation.
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