La Banque centrale européenne (BCE) table sur une croissance légèrement en hausse par rapport à ses dernières estimations: 1,5% en 2015 et 1,9% en 2017. Pour 2016, le pronostic reste inchangé à 1,6%. «Nos décisions de ce jeudi renforcent la dynamique de la reprise en zone euro et la rendent plus résistante aux chocs économiques extérieurs, a déclaré Mario Draghi lors de son point de presse, jeudi, à l’issue de la réunion mensuelle du Conseil de gouverneurs, à Francfort. Nous en faisons plus aujourd’hui parce que ça marche, pas parce que c’est un échec.» Il a tenu à rappeler que le redémarrage de l’économie européenne a toutefois été lesté successivement par les tensions entre la Russie et l’Ukraine, les résurgences de la crise grecque, l’arrivée massive des réfugiés et maintenant par le terrorisme.
Le président de la BCE avait visiblement besoin de convaincre que la politique monétaire de taux d’intérêt bas, voire négatifs, et celle d’assouplissement monétaire qui a démarré en mars dernier commençaient à porter des fruits et que la zone euro était résolument sur la voie de la reprise. Dans un communiqué publié hier, UBS juge que la décision a en effet été positive, notamment en facilitant l’accès au crédit pour les Etats, les entreprises et les ménages.
Pour Laurent Bakhtiari, analyste chez la banque IG à Genève, les mesures annoncées jeudi par Mario Draghi ne suscitent peut-être pas un enthousiasme débordant. «Mais elles sont raisonnables et rationnelles, dit-il. Elles montrent surtout que la BCE maintient le cap de son programme.» Selon lui, elle aurait certes pu aller plus loin, et donner une impulsion décisive à la croissance de la zone euro. «Mais Mario Draghi a voulu garder des cartouches en réserve, explique Laurent Bakhtiari. Il est comme un automobiliste sur une autoroute qui doit pouvoir ajuster la vitesse selon les conditions de la circulation.»
Christopher Dembik, chef économiste à la banque Saxo à Paris, s’est dit effaré par les premières réactions des marchés financiers suite aux décisions annoncées par la BCE. «Mario Draghi aurait certes pu aller plus loin, dit-il. Mais son principal message consiste à dire que la politique monétaire accommodante va se poursuivre même au-delà de mars 2017.» Selon lui, la BCE a aussi anticipé la trajectoire que va suivre la Réserve fédérale américaine. «Celle-ci va probablement augmenter le taux directeur en décembre, dit-il. Par conséquent, le coût du crédit doit rester bas en Europe.»
«Une mesure symbolique»
L’économiste parisien retient un autre message. «Mario Draghi a reconnu que la politique monétaire n’est pas suffisante pour redresser et relancer l’économie. Dès lors, il a invité les Etats à prendre le relais avec des politiques budgétaires de relance.» Christopher Dembik craint toutefois que ce message ne soit pas entendu en Allemagne, le pays qui a les moyens de se payer une politique expansionniste. Il rappelle que le président de la BCE a appelé Berlin à prendre des initiatives, notamment réviser les salaires à la hausse. Une telle mesure augmenterait le pouvoir d’achat et relancerait la consommation.
«Mario Draghi a donné dans le symbolisme, critique Charles Wyplosz, professeur d’économie à l’Institut de hautes études internationales et du développement, à Genève. En quoi la baisse du taux d’intérêt de dépôt de 10 points de base impacterait-elle l’économie? En quoi l’extension du programme d’assouplissement monétaire de six mois pourrait-elle donner une impulsion décisive?» Selon lui, le BCE a déjà épuisé les cartouches de politique monétaire et en est réduite à faire des ajustements cosmétiques mois après mois.
Le professeur Wyplosz, qui a toujours été partisan d’une politique budgétaire expansionniste, estime que la zone euro doit s’habituer à vivre durablement avec une faible croissance: «Dans ces circonstances, la BCE pourrait au moins faire tout ce qu’elle peut pour maintenir un taux de change bas pour l’euro, dit-il. Une monnaie faible aidera les exportations européennes.» Force est de constater que la monnaie européenne évoluait à la hausse jeudi soir.