Les marques du géant allemand Mannesmann ne cessent de progresser
HORLOGERIE
Jaeger-LeCoultre, IWC et Lange & Söhne dégagent 300 millions de francs de chiffre d'affaires. Une vente est très improbable
L'effervescence liée à la prochaine rentrée horlogère d'avril réactive comme chaque année les rumeurs. Ce phénomène s'inscrit aujourd'hui dans un contexte de concentration qui donne du relief à certains propos. Ainsi en est-il de la possibilité évoquée d'un désengagement éventuel du groupe allemand Mannesmann/VDO de ses activités horlogères (Jaeger-LeCoultre, IWC, Lange & Söhne), et du possible intérêt manifesté par TAG Heuer au rachat de l'une des deux premières marques précitées (Le Temps du 25 avril).
TAG Heuer ne se cache plus depuis dix-huit mois, par la voix de son directeur Christian Viros, de multiplier les signes attestant d'une volonté d'acquisition. L'issue a du sens pour une marque cotée en Bourse et qui, en termes de positionnement dans son segment, est déjà montée très haut en volume (TAG Heuer a frisé les 700 000 pièces dans les bonnes années).
Christian Viros confiait ainsi en septembre 1997 que la cible devrait être technique, dotée d'un potentiel de développement et susceptible de bénéficier de l'expertise marketing de TAG Heuer. Echange de bons procédés: cette dernière profiterait en retour de l'expertise technique de l'acquisition visée, une compétence et une image qui font défaut à TAG Heuer. La société, relève un observateur, affiche des marges à la hausse uniquement par l'intégration de sa distribution. La marque est actuellement dans une position où elle doit acheter, sous peine de se faire acheter elle-même.
La balle est, quoi qu'il en soit, dans le camp de Mannesmann/VDO: l'actionnaire est-il prêt à lâcher – tout ou partie – de ses possessions horlogères? L'assemblage des trois marques par Mannesmann/VDO, opérationnel dans les synergies industrielles, n'a jamais réellement poursuivi par le passé le but de former un groupe au sens d'une entité vouée à occuper un rôle de major dans l'horlogerie et le luxe au sens du Swatch Group ou de Vendôme, par exemple. «Ce sont trois marques distinctes, trois visions individuelles, trois usines. Il n'y a pas de synergies entre les sociétés, hormis l'interpénétration des informations relatives aux marchés et au know-how», confiait à l'automne dernier Gunter Blümlein, patron de la division horlogère du géant allemand. «Nous n'avons pas, sous cet angle, de politique stratégique.» Gunter Blümlein en voulait pour preuve que Mannesmann/VDO, «n'intervient strictement pas dans la politique respective de chacune des marques. En outre, il faut encore savoir que les activités horlogères du groupe ne représentent qu'un pour cent de son chiffre d'affaires global, qui s'élève à 30 milliards de DEM.
La donne du nouveau paysage horloger a peut-être fait évoluer l'actionnaire. Chacun chasse tout le monde, ce qui était vrai il y a six mois ne l'est plus nécessairement aujourd'hui et Mannesmann/VDO pourrait être plus chasseur que proie. Ses marques sont en progression (15-20% de croissance moyenne sur les deux premiers mois 99; le chiffre d'affaires 99 devrait croître de 15% sur le budget; les effectifs devraient s'étoffer de 100 personnes pour passer à un total de 1400 collaborateurs), l'image des trois marques est puissante, les projets d'extension sont dans l'air. Pour le patron de Jaeger-LeCoultre Henry-John Belmont, l'actionnaire a deux possibilités: il agrandit les bâtiments, il complète son portefeuille. Le chiffre d'affaires des Manufactures Horlogères (1998) se répartit à raison de 165 millions (43 000 montres et 4000 pendules) pour Jaeger-LeCoultre, 98 millions de francs suisses (30 000 pièces) pour IWC, le solde revenant à Lange & Söhne (près de 40 millions pour 3200 pièces). Mannesmann/VDO est entré dans l'histoire de l'horlogerie par prise de participation chez IWC et Jaeger-LeCoultre dans les années 70-80, à un moment où la crise frappait la branche. VDO, qui était à cette époque le leader dans la production d'instruments électroniques destinés à l'automobile, souhaitait se diversifier dans l'horlogerie commerciale. Mannesmann est un géant des télécoms, de l'industrie lourde et de l'équipement automobile.