Martha Stewart sort de prison pour relancer son empire
JUSTICE
La fondatrice de l'entreprise qui a pénétré dans tous les foyers américains avait été condamnée pour délit d'initié. De sa cellule, elle a préparé une reconquête.
Pour les grands patrons américains, la prison est désormais un élément du CV. Bernie Ebbers, ex-CEO de l'ex-WorldCom, dont le procès s'achève, pourrait bien finir dans une cellule. Martha Stewart, elle, est sortie vendredi avant l'aube en jeans et poncho du pénitencier d'Alderson, en Virginie, où elle purgeait une peine de 5 mois. Un jet l'a emmenée d'un coup d'aile dans sa propriété de Bedford, au nord de New York, entre la villa de George Soros et celle de Ralph Lauren, où elle subira encore 5 mois d'arrêts domiciliaires, un bracelet magnétique fixé à la cheville.
Ces condamnations sont infamantes, mais pour Martha Stewart, la prison est déjà inscrite dans une stratégie de relance de l'empire qui porte son nom (tout pour la maison, de la cuisine au lit, en passant par le jardin). Elle avait été condamnée pour délit d'initié et obstruction de la justice dans l'affaire ImClone, quand la Food and Drug Administration avait refusé l'homologation d'un traitement du cancer, Erbitux. Condamnée en juillet, Martha Stewart avait demandé elle-même sa détention immédiate, sans attendre le résultat d'un appel, encore pendant. Elle voulait revenir le plus tôt possible, pour le bien de son entreprise.
La vie de Martha en prison fait déjà le bonheur des gazettes. A Alderson, elle nettoyait les sols, y compris les toilettes, pour 5,25 dollars par mois. Elle a découvert ce que signifie le système longues peines obligatoires et incompressibles pour les infractions liées à la drogue, et elle dénonce cette aberration. Pour tout dire, cette femme plutôt revêche, cassante, sans humour, avait déjà gagné, avant même de sortir de prison, une nouvelle humanité, utile à l'entreprise.
Martha Stewart Living Omnimedia, en fait, va mal depuis plusieurs années. La publicité de ses magazines, grosse source de revenus, a été plombée par la conjoncture, puis s'est effondrée au moment où le scandale ImClone a éclaté, il y a trois ans. L'entreprise a enregistré l'an passé une perte de 60 millions de dollars. Par contre, l'action d'Omnimedia a été dopée par les malheurs de la fondatrice, grâce aux petits porteurs sentimentaux et pleins d'espoir: de 8 dollars, quand elle était au plus bas, à 36 dollars aujourd'hui. Entourée désormais d'une équipe renforcée de conseillers, Martha Stewart a développé en prison, entre deux coups de serpillière, une opération de reconquête, qui passe par une ligne de meubles et deux émissions de télévision.