Le projet était dans l’air. Il est maintenant sur papier. Pour protester contre les blocages découlant de la bisbille institutionnelle entre la Suisse et l’Union Européenne (UE), la medtech suisse a décidé de s’adresser à la justice.

Huit sociétés actives dans les techniques médicales – leur identité n’est pas connue – ont déposé une plainte commune contre la Commission européenne auprès du Tribunal de première instance de l’UE, a appris vendredi la NZZ. Une information confirmée lundi au Temps par l’étude d’avocats qu’elles ont mandatée.

L’objet de la discorde? Le retrait unilatéral de la société SQS de la liste des organes habilités à certifier les produits fabriqués en Suisse pour l’UE, un marché qui achète la moitié des 12 milliards de francs d’exportation annuelle du secteur. «Depuis quelques semaines, le site internet de la Commission affirme que SQS n’est plus reconnu, détaille le cabinet Sidley Austin, installé à Genève. Elle a modifié la notification officielle du gouvernement suisse concernant la désignation de SQS en insérant une date d’expiration inexistante. Et elle a déplacé le nom de SQS sur une page web énumérant les organismes «expirés».

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Cette procédure est une suite des événements du 26 mai dernier. Ce jour-là, le Conseil fédéral décidait de rompre les négociations sur l’accord-cadre avec l’UE. A la même date, la Commission européenne décidait de ne pas renouveler l’accord de reconnaissance mutuelle (ARM) pour les dispositifs médicaux, obligeant dès lors les entreprises suisses à trouver un organe de certification dans l’UE pour pouvoir y écouler leurs produits.

La grande majorité des medtechs avaient anticipé cet écueil en trouvant un relais pour une certification en Europe, ces dernières années. Mais la branche a découvert ensuite que SQS, qui était alors devenu le seul organisme suisse encore habilité à établir des certifications pour l’UE, ne l’était plus depuis le 28 septembre 2021, au lieu d’une échéance prévue en juillet 2022 et qui aurait par ailleurs dû être reconduite pour plusieurs années. Une cinquantaine de sociétés se retrouvaient ainsi privées de leurs prestataires, y compris pour des produits qui avaient été vendus à leurs clients avant le changement de régime.

Un effet suspensif?

Ce déclassement soudain de SQS, les avocats de Sidley Austin le disent sans détour, «pourrait être motivé par des raisons politiques – le différend politique entre l’UE et la Suisse. Mais il ne peut être accepté. Nous avons demandé au Tribunal de l’UE de confirmer que ce n’est pas la bonne façon d’agir et de confirmer que SQS a toujours été désigné pour exercer ses importantes fonctions de surveillance de la sécurité, et peut continuer à le faire comme avant.»

De juridisme, il en est aussi question du côté des importations de dispositifs médicaux ou de biens intermédiaires depuis l’UE. La Confédération exige désormais elle aussi que les produits européens soient spécifiquement certifiés pour le marché suisse. Un changement de régime qui fait courir des risques d’approvisionnement au secteur helvétique des medtechs. La faîtière du secteur a commandé un avis de droit. Et si aucun accord n’est trouvé, elle n’exclut pas, elle aussi, de porter plainte contre les autorités fédérales, comme elle l’a indiqué dans un communiqué vendredi.

Puisque ces deux procédures pourraient prendre plusieurs années avant de connaître leur épilogue, la NZZ croit savoir qu’elles ont aussi – et peut-être surtout – pour objectif d’avoir un effet suspensif.

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