«Pour nous, l’innovation n’est pas un simple passe-temps, c’est un secteur en soi de l’économie israélienne.» Avi Hasson, chemise bleue ouverte, a accueilli mardi dernier un groupe de journalistes invités par Merck, au 14e étage d’un immeuble administratif à Tel-Aviv.

Responsable scientifique au sein du Ministère de lindustrie, il occupe une fonction clé dans la politique de développement scientifique et technologique devenue une priorité du gouvernement israélien au début des années 2000. C’est lui qui gère les aides publiques à l’innovation (4,5% du PIB investi dans la recherche et l’innovation, contre moins de 3% aux Etats-Unis) et facilite les transferts de technologie.

Le matin même, il a brièvement rencontré Stefan Oschmann, numéro deux du groupe allemand Merck (38 000 employés pour un chiffre d’affaires annuel de 11,2 milliards d’euros) afin de faire le point sur l’engagement de l’entreprise pharmaceutique dans le pays.

«Au total, 25 grandes sociétés internationales présentes en Israël travaillent avec nous, constate Avi Hasson. Toutes ont des besoins différents et c’est à nous de répondre à leurs demandes ciblées en matière d’innovation. Nous avons par exemple de nombreux incubateurs de nouvelles sociétés en biotechnologie, mais s’ils restent isolés des multinationales, cela n’apporte rien au développement du pays.»

Merck est partie prenante du programme de transfert de technologie Nofar, qui couvre jusqu’à 90% du budget approuvé par les services d’Avi Hasson. «Au fond, nous ne sommes pas intéressés par l’argent qui peut être directement investi par les multinatio­nales mais par les collaborations qu’elles peuvent mettre en place ici avec des petites entreprises ou des instituts scientifiques», explique-t-il.

Le budget annuel du département scientifique au sein du Mi­nistère de l’industrie équivaut à 450 millions de dollars. «La tendance est à la baisse mais nous pouvons faire état, dans ce pays, d’un excellent niveau scientifique international, avec plusieurs universités de renom comme l’Institut Weizmann, et d’une forte culture entrepreneuriale», relève Avi Hasson. Il dit ne pas regretter la part très importante du budget qu’Israël consacre à la défense, comparé à celle dédiée à la recherche. «Il y a des priorités à respecter et les dépenses militaires ont aussi des retombées civiles par la création d’entreprises technologiques innovantes.»

Sans les fruits de la recherche israélienne, Merck n’aurait sans doute pas acquis Serono en 2007. En effet, la plus grande partie du succès commercial d’Ares Serono, qui appartenait à la famille Bertarelli, a reposé sur une invention de l’Institut Weizmann développée en Israël au sein de l’entreprise Interpharm acquise par Ares Serono.

L’interféron mis au point a donné naissance à Rebif, médicament contre la sclérose en plaques qui a permis à Serono de devenir une multinationale multimilliardaire. Produit jusqu’en 2004 en Israël, Rebif a ensuite entièrement quitté le pays pour la Suisse, au-dessus de Vevey, où il est aujourd’hui encore fabriqué.

«Il est frappant de constater que 70% du marché des médicaments contre la sclérose en plaques ont pour origine des découvertes de l’Institut Weizmann», relève Amir Naiberg, responsable de Yeda, l’unité chargée du transfert de technologie de l’institut. En effet, outre Rebif, Copaxone, un autre médicament contre la sclérose en plaques, commercialisé par la ­multinationale israélienne Teva, est issu du campus verdoyant à 20 kilomètres au sud-est de Tel-Aviv. «Et dire qu’en 1971, personne ne voulait acheter ce brevet, se souvient Amir Naiberg. Il a fallu attendre 1987 pour que Teva soit enfin convaincue de sa valeur.»

L’histoire continue puisque Tony Futerman, chercheur à l’Institut Weizmann, travaille avec Merck Serono pour améliorer ­l’efficacité du médicament Ono-4641, actuellement en phase II des essais cliniques, qui devrait être le successeur de Rebif. «Nous pensons que ce médicament contre la sclérose en plaques aura moins d’effets secondaires que ­Gylenia, de Novartis, actuellement sur le marché», souligne le chercheur. Un quart du budget annuel de 250 millions de dollars de l’Institut Weizmann provient des revenus tirés des brevets cédés à des entreprises privées, parmi lesquelles Serono, devenue Merck Serono.

Sans les fruits de la recherche israélienne, Merck n’aurait pas acquis Serono en 2007