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En mettant ses autoroutes en Bourse, l'Etat français risque le conflit d'intérêts

Une troisième société d'autoroute va entrer en Bourse. A court terme, le secteur offre une grande visibilité. A plus long terme, tout dépend de l'Etat qui influence le niveau des péages. Sera-t-il encore actionnaire?

Un troisième exploitant français d'autoroutes, la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France (Sanef), prépare son introduction en Bourse (IPO), selon l'agence Bloomberg.

Les actions qui pourraient être cotées dès le printemps proviendraient d'une augmentation de capital. L'opération porterait sur 1,3 milliard d'euros, soit environ le tiers du capital. Avec cet argent, la société réduira son endettement. Les économies ainsi réalisées sur les coûts financiers permettraient à l'Etat resté actionnaire majoritaire d'accroître ses revenus sous forme de dividendes. C'est déjà dans cet esprit que la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) – qui gère l'essentiel du réseau français autour de la Suisse – et les Autoroutes du sud de la France (ASF) avaient réalisé leur IPO respectivement en novembre dernier et au printemps 2002.

L'Etat français a fait un bon calcul. Les bénéfices des exploitants autoroutiers se portent bien. Les péages encaissés par ASF ont augmenté d'un confortable 7% en 2004! L'accroissement du trafic y a contribué pour un peu moins de la moitié. Le reste découle de la hausse des péages. Le 1er février, ASF a relevé ses tarifs de 3,22% pour les poids lourds et de 2,04% pour les véhicules légers. APRR ne révisera ses tarifs qu'en octobre prochain. Leur progression est planifiée jusqu'en 2008 en vertu d'un accord conclu avec l'Etat. Sur quatre ans, la hausse sera de 2,4% en termes réels pour les véhicules légers et de 6% pour les camions (classe 3). C'est dès lors avec une marge d'erreur réduite qu'APRR table cette année sur une croissance de 5% de son chiffre d'affaires et de 66% de son bénéfice net.

L'Italie n'est pas en reste. Autostrade, premier opérateur européen d'autoroutes coté en Bourse, a augmenté ses prix de 2,68% au 1er janvier. Le secteur semble disposer de cet atout très recherché que les Anglo-Saxons appellent le «pricing power», c'est-à-dire la faculté d'imposer des augmentations de prix. Un attrait supplémentaire est la progression régulière de la circulation automobile, même en cas de crise conjoncturelle. Les autoroutes ont cependant deux points faibles. D'abord, l'influence de l'Etat demeure déterminante. Que se passera-t-il pour APRR après 2008, notamment si l'Etat vend ses parts? Ensuite, une hausse des taux d'intérêt mettrait les bénéfices sous pression. Chez APRR par exemple, près de la moitié du résultat opérationnel est absorbée par les frais financiers.

Un contexte favorable

Pour le moment, les investisseurs ne retiennent que les aspects positifs. ASF s'est appréciée de près de 14% depuis le début de l'année et APRR de 5,7% environ. Les opérateurs du sud de l'Europe ont encore plus le vent en poupe. L'italien Autostrade, propriété à 52% de la famille Benetton, a gagné 14% sur la même période. L'espagnol Abertis est monté de 12%. Dans ces pays, les fusions et acquisitions ne sont pas exclues. Autostrade contrôle déjà le portugais Brisa et il est à la recherche d'autres rachats. En novembre, Abertis a été mentionné comme cible possible.

L'IPO de Sanef se profile dans un contexte très favorable. Mais tout dépendra finalement du prix des actions. Le secteur est cher. Autostrade se négocie à 22 fois ses bénéfices attendus en 2004. Ce ratio est de 24 fois pour ASF et de plus de 40 fois pour APRR, qui pronostique de meilleures perspectives de croissance.