L’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’aujourd’hui n’est plus la même que celle d’hier. Ceci, indépendamment du résultat de cette nuit à Bali.

Le scénario optimiste tablait, en effet, aux premières heures de l’aube, sur un compromis inédit. Marquant le début d’une résurrection de l’institution, celui-ci lui permettrait de dégager à l’avenir un consensus multilatéral et, par ricochet, de réanimer le Cycle de Doha engourdi depuis 2008.

Les faits, toutefois, offrent une lecture moins romantique de la situation. L’OMC est un éléphant qui s’apprête à accoucher d’une souris. Les membres de l’organisation s’étaient mis d’accord à Genève, en 2011, pour extraire dorénavant du round de Doha les éléments les plus susceptibles de faire l’objet d’un consensus. Soit une politique plus modeste dite des «petits pas» sur trois piliers, comprenant notamment l’agriculture et le développement, accompagnée d’une immense foulée en matière de facilitation des échanges.

A l’époque, il suffisait qu’une poignée d’Etats se réunisse autour d’une table pour engendrer un accord. Le nombre de participants à l’OMC et, par conséquent, de visions différentes du commerce, a complètement changé la donne. Cette nouvelle dynamique mondiale a fini par saper la traditionnelle garantie de conception multilatérale.

Certains pays n’ont d’ailleurs pas attendu longtemps pour convoler dans d’autres enceintes commerciales, dans une frénésie confinant à l’adultère. Leurs enfants illégitimes – accords bilatéraux, régionaux et autres méga-accords – se comptent aujourd’hui par centaines. Or, si les pourparlers de Bali visent indirectement à réfréner ces pulsions volages, il ne faut pas s’y tromper. La crise de 2008 a laissé des traces profondes qui ne sauraient être effacées par les vertus du multilatéralisme. Le pays les plus développés continueront ainsi à porter des coups de griffes à leur contrat de mariage passé avec l’OMC. Même si, pour eux, mieux vaut une OMC vivante que morte.

Quant aux pays les moins avancés, ils risquent de rester enchaînés à la vieille épouse multilatérale pour assurer leur descendance commerciale. A moins que, dans la nuit de vendredi à samedi, une victoire de l’Inde obtenue au forceps face aux Etats-Unis ne soit le signe d’un début d’émancipation...

La lune de miel balinaise sera jugée à l’aune de l’échéancier genevois de ces prochains mois.