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Migros n’engage plus de personnel près des frontières

Le grand distributeur perdra 50 millions de francs et 5% de son chiffre d’affaires à cause du franc fort

Un supermarché allemand près de la frontière. — © Keystone
Un supermarché allemand près de la frontière. — © Keystone

Perte d’au moins 5% du chiffre d’affaires, gel de l’emploi dans les magasins proches de la frontière, perte de change de 50 millions de francs: les conséquences du franc fort sont importantes pour Migros.

Herbert Bolliger, patron de la Fédération des coopératives Migros (FCM), tire le bilan, pour le géant orange, de la décision de la Banque nationale suisse (BNS) de lever le cours plancher euro/franc le 15 janvier dernier. Dans une interview accordée au journal dominical SonntagsZeitung, il décrit sereinement l’effet franc fort sur la société qu’il dirige.

L’emploi en Suisse sera touché par le tourisme d’achat. «Je ne peux pas en vouloir aux consommateurs suisses d’aller chercher au-delà de la frontière des produits devenus meilleur marché, même si, en ce qui me concerne, je m’interdis de le faire», commente Herbert Bolliger.

Pas de licenciements

Cet élan consumériste devrait coûter une diminution de 5% ou plus du chiffre d’affaires des magasins Migros proches de la frontière, estime-t-il. Cela aura pour conséquence le gel de l’emploi. «Les départs ne seront pas remplacés, mais il n’y aura pas de licenciements», annonce le patron des FCM.

Il rappelle les grandes différences de salaire qui pèsent sur la compétitivité de la branche dans les zones frontalières. «En Allemagne, une caissière gagne 1600 euros par mois, contre 4000 francs en Suisse.»

La levée du taux plancher, qui renchérit les produits suisses de quelque 15%, a aussi des conséquences sur les coûts financiers de la coopérative. Elle s’était assurée contre les risques de change, mais de manière partielle seulement. La dévaluation soudaine de ses positions en euros provoque ainsi une perte estimée entre 40 et 50 millions de francs selon Herbert Bolliger.

L’agriculture suisse sera aussi directement touchée par la décision de la BNS. «Le fromage suisse s’exporte désormais beaucoup plus mal, ce qui provoquera une surproduction de lait et pèsera sur les prix payés aux producteurs en Suisse», calcule le patron des FCM.

Uniterre, l’un des syndicats paysans du pays, a déjà averti la Confédération qu’il ne tolérerait pas une baisse des prix des produits agricoles.

Baisse des prix de 10%

Migros a décidé de contrer le tourisme d’achat par des baisses de prix de certains produits importés de la zone euro. «Dès lundi, différents articles de marque seront proposés au moins 10% moins cher», affirme Herbert Bolliger.

Migros mène en ce moment des discussions avec les fabricants européens en vue d’adapter ses contrats d’achats, confirme le patron. «Ces négociations sont toujours compliquées, mais sans vouloir faire pression publiquement sur ce dossier, il faut bien admettre que pour des produits comme les marques Nivea ou Nutella, la plus grande partie des frais de production se situent dans la zone euro. Nous attendons donc une baisse notable des prix de la part de nos fournisseurs.»

Malgré les conséquences importantes du franc fort sur les affaires de la coopérative, Herbert Bolliger n’en veut pas à Thomas Jordan, président de la direction générale de la BNS. «Ce fut un choc le 15 janvier, mais je peux parfaitement comprendre et approuver cette décision. Il faut aussi voir que si autant d’experts des marchés financiers ont critiqué la levée du taux plancher, c’est parce qu’ils ont relayé la colère de nombreux spéculateurs, et de banques, qui ont perdu beaucoup d’argent.»