Ils constitueront 60% de la main-d’œuvre en 2020. Par leurs valeurs et leurs modes de consommation, les millennials, ces individus nés entre 1980 et la fin des années 1990, influencent davantage la société que les baby-boomers, la génération de l’après-guerre. Comment les entreprises peuvent-elles répondre aux besoins et aux aspirations de ces jeunes adultes pétris de technologie et de réseaux sociaux? Les explications de Moshmi Kamdar, conseillère en investissement à l’Union Bancaire Privée, qui participera à une table ronde co-organisée par la banque et Le Temps ce jeudi 23 novembre à Genève.

Le Temps: Qu’est-ce qui caractérise les «millennials»?

Moshmi Kamdar: Pour les millennials, la technologie est la norme: ils sont connectés en permanence avec leur smartphone et sur les réseaux sociaux. Cette génération valorise davantage les expériences que la possession d’objets. Cela explique en partie que l’audience des concerts aux Etats-Unis ait doublé entre 2010 et 2016. L’éclosion d’une véritable économie du partage est également le résultat du peu d’importance que les millennials accordent à la propriété.

– Quels secteurs de l’économie influencent-ils?

– Les principaux secteurs touchés par cette génération en quête d’authenticité sont ceux des technologies, des médias et du divertissement, de l’éducation, de la finance et de la consommation. Par exemple, ces dernières années, le marché de la nourriture pour bébé a reculé en volume aux Etats-Unis, notamment à cause des millennial mums, ces mamans qui préfèrent cuisiner elles-mêmes. En effet, suite à différents scandales alimentaires, les millennials se méfient des marques grand public et revendiquent plus de transparence et d’informations concernant la provenance et la valeur nutritive de ce qu’ils consomment. L’apparition de blogueurs et de youtubeurs alimente cette tendance. Le marché de la bière a également connu des bouleversements conséquents liés aux attentes des millennials.

– Comment?

– Aux Etats-Unis, le marché de la bière artisanale est passé de 10% du marché total en valeur en 2011 à 22% en 2016, selon l’association des brasseurs américains. La montée en puissance des produits artisanaux reflète la préférence des millennials pour des marques authentiques, locales, avec une histoire.

– Pouvez-vous nous donner encore d’autres exemples?

– L’industrie des cosmétiques. La culture du «selfie» et du partage sur les réseaux sociaux pousse cette nouvelle génération de consommateurs à soigner son apparence, ce qui bénéficie aux marques de maquillage. Sur les trois dernières années, alors que le marché de la beauté aux Etats-Unis a crû de 3,6%, celui du maquillage a augmenté de 6,5%. Les domaines du tourisme ou de la formation à distance connaissent également un nouvel essor.

– Une récente étude de Credit Suisse dépeint les «millennials» comme une génération sacrifiée, qui aura plus de difficultés que ses aînés à accumuler de la richesse et à acquérir de l’immobilier par exemple. Cela limite-t-il leur poids économique?

– L’avenir nous le dira! Même si cette génération ne devait jouir que d’un pouvoir d’achat limité, il s’agit tout de même, aujourd’hui, de la plus importante en termes de nombre de consommateurs potentiels. Son poids économique ne doit donc pas être négligé.

– Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter à ces nouveaux clients?

– Les millennials sont plus exigeants et également beaucoup moins fidèles aux marques que les générations précédentes. Les entreprises doivent par conséquent développer de nouvelles stratégies en termes de marketing par exemple, en investissant notamment dans «l’engagement» et l’échange avec les consommateurs (utilisation des blogueurs, création d’applications dédiées, animation de communautés sur les réseaux sociaux). D’un point de vue plus stratégique, certaines entreprises ont créé des comités consultatifs composés de millennials, afin de bénéficier de leur éclairage dans les prises de décision.