En janvier, l’inflation s’est accélérée dans la zone euro à 1,8%, s’approchant de l’objectif de 2% fixé par la Banque centrale européenne (BCE), contre 1,1% en décembre dernier. Une première depuis début 2013. Son mandat est ainsi respecté, mais il n’y a pas de quoi sabrer le champagne. «La hausse est liée surtout au renchérissement des prix des matières premières, notamment du pétrole, fait remarquer Charles Wyplosz, professeur d’économie l'Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement et directeur du Centre International d'Etudes Monétaires et Bancaires à Genève. Ce n’est donc pas le moment pour la BCE de mettre la pédale douce par rapport à sa politique monétaire accommodante, en place depuis plusieurs années.» Les prix pétroliers ont en effet bondi de 8% en janvier, contre 2,6% en décembre.

En réalité, les prix connaissent une évolution constante à la hausse dans la zone euro depuis mars 2016. «C’est la preuve, s’il en faut, pour montrer que les politiques monétaires non-conventionnelles mises en œuvre par la BCE portent leurs fruits, poursuit Charles Wyplosz. Toutefois, avec une inflation de base (hors énergie, produits alimentaires, boissons alcoolisées et tabac) de 1% en janvier, celles-ci doivent être poursuivies pendant encore une période indéterminée.»

Lire aussi: Critiqué en Allemagne, Mario Draghi s’exprime devant le Bundestag

En sus des taux d’intérêt plancher, le programme d’achat actifs au rythme mensuel de 80 milliards d’euros se poursuivra encore deux mois. Puis il sera ramené à hauteur de 60 milliards jusqu’en décembre 2017 et «au-delà si nécessaire», comme aime à le dire Mario Draghi, le président de la BCE. Sa propre prévision pour l’inflation de base est de 1,3% pour cette année et proche de 2% pour 2018.

«Propos déplacés»

Charles Wyplosz condamne les «propos déplacés» des responsables politiques et économiques allemands qui appellent à un abandon graduel des politiques monétaires non-conventionnelles. En Allemagne même, le taux d’inflation pour janvier 2017 est remonté à 1,9%. Cette hausse s’explique certes par la hausse des prix pétroliers, mais aussi par l’augmentation des salaires dans de nombreux secteurs. Jens Weidmann et Sabine Lautenschlaeger, président et membre exécutif respectivement de la Bundesbank, la banque centrale allemande, demandent régulièrement à Mario Draghi de dessiner une stratégie de sortie.

Lire aussi: Assouplissement de la BCE: le début de la fin?

Mais pour l’heure, les voix qui plaident pour plus de patience sont dominantes au sein de l’institution de Francfort. «Ces dernières ont raison de penser que la mission de la BCE n’est pas accomplie, déclare le professeur genevois. Dans le passé, la BCE a eu tort de déclarer victoire trop tôt.»

Christopher Dembik, économiste en chef de la banque Saxo à Paris, affirme aussi que le temps n’est pas encore venu pour mettre fin à la politique monétaire accommodante de la BCE. «La stabilité des prix est certes l’une de ses tâches prioritaires, explique-t-il. Mais Mario Draghi est également concerné par la question de la croissance dans la zone euro.» En effet, à travers la politique des taux d’intérêt bas, la banque centrale espère encourager les entreprises et les ménages à investir et à relancer l’emploi et la consommation. «L’objectif est loin d’être atteint en la matière», fait remarquer l’économiste parisien.

La pression de la FED

Au quatrième trimestre 2016, le taux de croissance dans la zone euro a pris de la vigueur, s’établissant à 0,5%. Il a été de 1,7% sur l’ensemble de l’année. Le chômage évolue aussi à la baisse, à 9,6% en décembre, son plus bas niveau depuis mai 2009, contre 9,7% en novembre. Pour Christopher Dembik, les signaux macroéconomiques sont encourageants, mais rien ne justifie le retrait des mesures de la BCE.

Enfin, Charles Wyplosz fait encore remarquer que la BCE est bel et bien soumise à une pression exercée par la Réserve fédérale américaine (Fed) qui, elle, a entamé sa politique de hausse de taux d’intérêt à la fin de l’année dernière. En réunion ces mardi et mercredi, elle ne devrait pas annoncer de décision significative. En revanche, sa présidente Janet Yellen a déjà annoncé au moins deux hausses pour la première moitié de 2017. «C’est une erreur, déclare le professeur. D’autant plus que le nouveau président américain Donald Trump ne voudrait aucune décision de la part de la Fed, susceptible de faire bondir le dollar face aux autres monnaies, ce qui constituerait un frein à sa politique expansionniste annoncée.»