Forum des 100
Pendulaires et frontaliers représentent 18% du produit intérieur brut romand. Lequel devrait augmenter de 1,4% en 2016 et de 2% en 2017, selon un rapport publié par les six banques cantonales romandes

«A long terme, nous sommes tous morts», disait ironiquement le célèbre économiste John Maynard Keynes. Mais à court et moyen terme, c’est plus rassurant. Le produit intérieur brut (PIB) romand devrait grimper de 1,4% cette année et de 2% en 2017, selon les dernières prévisions de l’Institut CREA publiées par les six banques cantonales romandes, en collaboration avec le Forum des 100 de L’Hebdo. Cette croissance attendue, qui suit une hausse de 0,9% en 2015, serait le fruit d’une «économie fondamentalement saine», a souligné mercredi devant la presse Jean-Pascal Baechler, conseiller économique à la Banque Cantonale Vaudoise (BCV) et coauteur de la neuvième étude annuelle sur le PIB romand.
Trois bémols pourraient cependant affecter ce constat: une croissance mondiale encore bien loin d’être dynamique, un franc suisse qui demeure surévalué et, surtout, une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’UE après le référendum britannique du 23 juin prochain. Dans cette dernière hypothèse, ont admis certains représentants des banques cantonales, les pressions sur le franc seraient sans doute redoutables. Et imprévisibles.
La monnaie helvétique demeure donc un élément déterminant dans la conjoncture suisse. Si le franc ne s’était pas sensiblement apprécié après l’abandon du cours plancher de l’euro le 15 janvier 2015, le PIB romand aurait progressé de 2,2% au lieu de 0,9% en 2015, note le CREA.
Quant aux branches économiques, elles n’ont pas été touchées de la même manière par la déferlante monétaire. Les activités tournées vers le marché domestique, comme la construction, les services financiers, les services aux entreprises, les activités immobilières ou le commerce ont été les premières à subir un fléchissement de leurs activités. Dès cette année, elles devraient se ressaisir, à l’exception notable de l’hôtellerie-restauration, toujours en berne.
Par contre, jusque-là relativement épargnées, les branches orientées vers les exportations comme la chimie-pharma, les machines ou l’horlogerie devraient décliner en 2016, avant de se reprendre en 2017. A condition, encore une fois, que l’environnement international ne leur soit pas trop défavorable.
Poids économique des frontaliers et pendulaires
Dans le deuxième volet de leur rapport, les banques cantonales ont pour la première fois mesuré et chiffré la création de richesse apportée par les quelque 105 000 pendulaires intercantonaux et 120 000 frontaliers travaillant en Suisse romande qui résident en France. Ces deux derniers fournissent près d’un cinquième (18%) du PIB romand, selon des chiffres datant de 2013. En vingt-trois ans, leur part dans le produit intérieur brut romand a été multipliée par deux. Un franc sur cinq gagné en Suisse romande provient de cette mobilité intercantonale et transfrontalière, qui ne cesse de croître. A Genève, les frontaliers et les pendulaires fournissent 30% de la création de richesse du canton, 22% pour les premiers, 8% pour les seconds. C’est le plus fort taux observé en Suisse romande. Suivent les cantons du Jura et du Valais (21% pour les frontaliers et les pendulaires réunis), Vaud (16%), Fribourg (11%) et le Valais (5%).
Disparité selon les branches
Par ailleurs, des différences notables apparaissent également entre les branches. Un tiers environ (29%) de la valeur ajoutée vient des collaborateurs pendulaires et frontaliers actifs dans les industries manufacturières (horlogerie, machines, chimie et pharma). Suivent les personnes travaillant dans les services financiers (23%) et l’information et la communication (21%).
Que conclure de ces données? Concernant les frontaliers, sujet sensible notamment à Genève, preuve est faite que ces derniers contribuent à l’enrichissement de la région concernée. Sans eux, l’économie romande se gripperait sérieusement, relèvent la plupart des économistes et des employeurs, notamment dans le secteur de l’horlogerie. Il n’empêche que la mobilité accrue constatée dans les cantons frontaliers, à l’origine d’un trafic routier toujours plus dense, suscite aussi des tensions toujours plus vives. Mais le PIB, indicateur de richesse relativement limité, ne mesure pas de telles considérations sur la qualité de la vie.