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Les salariés suisses ont rarement été dans une telle position de force pour négocier des augmentations. Soucieux de la prospérité à long terme, ils ne l’exploiteront pas complètement. Les augmentations ne compenseront pas les pertes de salaires réels des années précédentes, selon une étude de Credit Suisse

Il y a peu de risque que s’enclenche en Suisse une spirale néfaste entre les prix et les salaires, qui provoquerait une flambée incontrôlable de l’inflation. C’est Credit Suisse qui l’affirme dans une étude présentée mardi matin à Zurich. Notamment parce que les augmentations salariales ne devraient pas être démesurées.
Avec le renchérissement – +3,4% en août en rythme annuel – et le taux de chômage historiquement faible – 2% en août –, les employés ont rarement été dans une telle position de force pour négocier une amélioration de leur paie. Mais ils n’ont pas pour habitude d’exploiter à plein leur marge de négociation, a souligné la banque.
Plus forte hausse en dix ans
«Les salaires connaissent leur plus forte hausse depuis plus de dix ans», a pointé Emilie Gachet, économiste de la banque. Sur la base d’un sondage aux entreprises, elle prédit une progression de 2% cette année, puis de 2,3% l’an prochain pour les salaires moyens nominaux. Pas de quoi compenser la baisse de rémunération en termes réels de 2021 et 2022, ajoute la banque – qui prévoit une inflation de 2,9% pour l’ensemble de l’année en cours – et ce qui est donc équivalent à une perte de pouvoir d’achat. Mais les employés semblent disposés à renoncer à des augmentations maximales à court terme afin de réduire le risque de chômage et de garantir leur prospérité à long terme, poursuit Credit Suisse, qui salue cette «vision».
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Les syndicats demandent en général des progressions de 3 à 5% pour les négociations qui auront lieu cet automne. D’ici là, leur position de force apparente pourrait se réduire: «La situation économique et les perspectives conjoncturelles du dernier trimestre seront déterminantes pour le résultat des négociations. Or les perspectives se sont dégradées», a précisé Credit Suisse, qui table sur une croissance de 2,5% cette année et de 1% l’an prochain. La banque prévoit aussi un reflux de l’inflation et une atténuation de la pénurie de main-d’œuvre.
Pas de «grande démission»
C’est dans l’hôtellerie, la restauration et les transports qu’on observera les plus importantes hausses des rémunérations, là où la pénurie de main-d’œuvre est la plus aiguë et où le rebond à la suite de la crise du covid n’a pas faibli, pronostique encore la banque. Pour les autres secteurs, le ralentissement des bénéfices devrait poser des limites aux augmentations possibles. En revanche, beaucoup d’entreprises essaient d’offrir des conditions de travail plus flexibles et d’autres bénéfices, selon le sondage de Credit Suisse.
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Même si elle partage le problème de la pénurie de main-d’œuvre, la situation helvétique est donc bien loin de celle de la zone euro ou des Etats-Unis, où les salaires en juin et juillet étaient supérieurs de 7% à ceux de 2021. «Il y a plusieurs différences, a expliqué Emilie Gachet. L’inflation y est plus forte, tandis que l’absence de chômage partiel a conduit beaucoup d’Américains à être au chômage puis à être rembauchés au moment de la reprise en négociant un meilleur salaire.» La Suisse n’a pas non plus connu la même vague de «grande démission» américaine, qui a rendu le manque de main-d’œuvre encore plus criant outre-Atlantique.