Igor Sechin n’en doute pas une seule seconde: les prix du pétrole vont poursuivre leur remontée en 2016. Le président de Rosneft, qui vient de dépasser Gazprom en termes de capitalisation, s’est montré résolument optimiste lors de son discours prononcé mardi matin à l’Hôtel Beau Rivage de Lausanne pour l’ouverture de la cinquième édition du Financial Times Commodities Global Summit 2016.

Pour le patron du géant russe, qui produit 5,1 millions de barils par jours (mbj), les cours actuels – 43,5 dollars le baril de Brent mardi – sont un frein aux investissements. En conséquence: l’offre de pétrole ne pourra pas croître de manière suffisante pour répondre à la demande qui, elle, continue d’augmenter malgré le ralentissement de la croissance chinoise.

A l’échelon mondial, la hausse de la demande devrait atteindre 1,8 million de barils par jour (mbj) en 2016 et 6 mbp d’ici à 2020, a rappelé Igor Sechin. «Dans le même temps, la production de pétrole de schiste ralentit aux Etats-Unis. Surtout, les conditions qui ont permis aux Américains de développer leurs infrastructures ces dernières années [ndlr: un prix du baril qui dépassait les 100 dollars il y a deux ans] ne sont plus réunies. Il n’y a donc aucune raison de voir une nouvelle révolution d’une telle ampleur se reproduire.»

Présent à Lausanne, Pierre Andurand, gérant du hedge fund Andurand Capital, a estimé que le baril de pétrole devrait même atteindre 60 dollars cette année et 80 dollars en 2017. Considéré comme un gourou à la City, il impute lui aussi ce revirement au tarissement des investissements. «La production américaine, qui est sur le déclin depuis la fin de l’année dernière, finira par repartir, a-t-il expliqué. Mais moins rapidement que par le passé, notamment parce que de nombreux producteurs ont aujourd’hui des bilans en mauvais état.»

Nouvelle année de volatilité

Les géants du négoce de pétrole, qui ont pratiquement tous connu une année record en 2015 malgré la chute des cours, s’attendent également à un retour durable des prix à la hausse. «La question n’est pas de savoir si, mais quand», a expliqué Torbjörn Törnqvist, directeur de Gunvor, au cours d’une table ronde. A ses côtés, le patron de Trafigura Jérémy Weir a pronostiqué que la demande de pétrole surpasserait à nouveau l’offre d’ici à la fin du troisième trimestre 2016.

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Malgré tout, des risques existent encore de voir les cours repartir à la baisse, ont concédé les experts. A commencer par l’excès de stocks de produits raffinés qui, s’il devait inonder les marchés, pourrait déprimer les prix en milieu d’année, a expliqué Torbjörn Törnqvist. Alex Beard, responsable du pétrole chez Glencore, a précisé que 300 millions de barils avaient été stockés au cours des 18 derniers mois.

Reste que pour les négociants, 2016 devrait à nouveau rimer avec volatilité, elle-même synonyme d’opportunités d’arbitrage et donc de profits. Au rang des incertitudes, on retrouve la situation géopolitique au Moyen-Orient et les tensions entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. La probabilité d’avoir «une bonne surprise» en provenance de Doha – où se réuniront les pays producteurs le 17 avril – est très faible, a ainsi noté Alex Beard. Sous-entendu: même un gel de la production russe et saoudienne en particulier ne changerait pas grand chose.

Quant à l’Iran, dont le retour sur les marchés était un sujet de discussions récurrent mardi à Lausanne, sa situation reste très complexe, a insisté Marco Dunand. Le directeur de Mercuria a rappelé que le résultat des élections aux Etats-Unis pourrait à nouveau changer la donne et entrainer un retour des sanctions. Autant d’incertitudes qui devraient profiter aux traders. Même si cette année pourrait s’avérer plus compliquée que la dernière, a concédé Torbjörn Törnqvist.

Collaboration: Sylvain Besson

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