Dans les monnaies virtuelles, l’ether s’impose aux côtés du bitcoin
Crypto-monnaies
Confidentielle en début d’année, la crypto-monnaie développée par la zougoise Ethereum a vu son volume de transactions multiplié par 15 depuis début 2016. Alors que Bitcoin se confronte à des limites techniques, l’ether devient après 6 mois d’existence la deuxième devise virtuelle la plus échangée du marché

Le bitcoin doit désormais compter sur un sérieux concurrent. Depuis le 10 janvier, l’ether, de la fondation Ethereum, a vu sa valeur sextupler, de 0,0022 bitcoins (0,9 dollar) à 0,015 (5,50 dollars). Pendant le même temps, les volumes échangés connaissaient une envolée spectaculaire, pour atteindre un pic à 27 millions de dollars de transactions mercredi dernier, contre 300 000 au début de l’année, soit en valeur deux tiers des échanges quotidiens en bitcoins. Un succès très précoce, la genèse de la blockchain d’Ethereum datant seulement de juillet 2015.
Une technologie prometteuse pour le secteur bancaire
En cause, les espoirs placés dans la technologie de la fondation, qui développe son propre protocole, et pour lequel l’ether est l’unité de valeur. Le principe reste le même que pour Bitcoin: un registre décentralisé, dans lequel chaque bloc informatique conserve une trace de la transaction, la rendant de fait infalsifiable. A la différence près que les potentialités de la nouvelle plateforme s’étendent bien au-delà de la simple activité monétaire (lire encadré), en permettant la création et la validation décentralisée de «contrats intelligents».
La promesse de souplesse a immédiatement séduit l’industrie bancaire. Portée par Microsoft Azure, qui propose une plateforme pour expérimenter Ethereum, neuf banques d’investissement, dont UBS et Crédit Suisse, se sont associées en novembre à la startup new-yorkaise R3CEV pour tester la technologie en circuit fermé. Un investissement de plusieurs millions de dollars qui vise à accélérer les transactions tout en minimisant les coûts, avec pour premier objectif l’émission de titres de créances. L‘annonce le 20 janvier d’une première simulation d’échanges réussie entre les banques a entraîné dans les 3 jours suivants une hausse de plus de 50% de la côte de l’ether.
Bitcoin face à ses limites
Parallèlement à l’envolée de son concurrent, le bitcoin subissait le 11 janvier une correction de 15%, passant de 450 à 380 dollars, un niveau auquel il se maintient depuis. A l’origine du décrochage, Mike Hearn, ancien de Google Suisse, un des 40 «core developers» de Bitcoin, qu’il vient de quitter pour se concentrer essentiellement sur le projet «Ethereum» de R3CEV. Dans un billet de blog très circonstancié, il détaille les raisons selon lui de «l’échec de Bitcoin» qui n’aurait pas su s’adapter. Déplorant en termes de gouvernance la concentration de la technologie entre les mains «d’un petit nombre de personnes», il pointe surtout les limites de capacité atteintes par le réseau, qui, avec un megabyte par bloc, ne serait pas en mesure de traiter plus de trois transactions par seconde. Une situation qui entraîne des délais d’attente et une hausse des commissions, régulièrement dénoncées par les utilisateurs.
Alexis Roussel, cofondateur de la plateforme neuchâteloise bity.com, active dans le trading de crypto-monnaies, rejoint le constat: «A l’origine, les concepteurs ne pensaient pas atteindre si vite la saturation. Il y aujourd’hui un effet d’entonnoir, où les transactions les mieux commissionnées sont les plus vite servies. Le passage de 2 à 5 centimes de frais reste minime, mais il peut être pénalisant pour les micropaiements».
Bitcoin, surclassé technologiquement? Pour Alexis Roussel, c’est avant tout sa réputation sulfureuse qui favorise l’adoption du protocole d’Ethereum. «Le bitcoin a mauvaise presse, son utilisation a souvent été associée au Darkweb, une image de laquelle l’industrie bancaire veut se dissocier», estime l’analyste. Massivement utilisé pour des transferts de capitaux depuis la Chine vers Hong-Kong, le bitcoin voit les deux places asiatiques concentrer 80% des échanges, en plus de l’essentiel du «mining», la production de devises. Une réalité qui inquiète, et qui amène certains détenteurs de bitcoins à convertir une partie de leur portefeuille en ethers.
Malgré la tendance, le directeur général de Bity reste confiant en l’avenir du bitcoin: «La technologie d’Ethereum dispose d‘intéressantes potentialités, mais elle va énormément évoluer, sans que l’on sache encore dans quel sens. Les applications en sont encore au stade du prototype, et tout l’écosystème d’Ethereum est en train de se construire. Bitcoin demeure beaucoup plus abouti et sécurisé.» Plus d’un milliard de dollars vient d’ailleurs d’être investi par la communauté pour faire évoluer le protocole, et converger en partie vers Ethereum. Selon Alexis Roussel, «l’éther et le bitcoin présentent une certaine complémentarité. Les deux devises sont amenées à cohabiter à l’avenir.»
Un potentiel déjà valorisé
Lancée en 2015, à partir de 31 591 bitcoins (environ 18 millions de francs) collectés par crowdfunding, Ethereum, basée à Zoug, reprend le principe d’une chaîne de blocs informatiques enregistrant les transactions de manière automatique, décentralisée et non falsifiable. A la différence de Bitcoin, son protocole permet d’inclure un programme qui peut être exécuté en circuit fermé.
Ces «contrats intelligents» devraient permettre à terme de gérer des votes électroniques ou des transferts de parts d’entreprises de manière simple et sécurisée. Premier intéressé, le secteur bancaire, qui mise sur la technologie pour économiser 20 milliards de dollars sur ses transactions à l’horizon 2022.
Initialement introduit au cours de 29 cents (2000 unités pour un bitcoin), l’ether, monnaie d’échange sur la plateforme, a vu sa valeur multipliée par 19 en moins d’un an d’existence, pour avoisiner aujourd’hui les 5,50 dollars.