Le négoce de BNP Paribas à Genève frappé par les sanctions américaines

Accusée d’avoir violé plusieurs embargos, la banque française risque une lourde amende

Une trentaine d’employés à Genève ont reçu un blâme ou ont été licenciés

Une trentaine d’employés de BNP Paribas à Genève ont été «sanctionnés» ces derniers mois, a appris Le Temps auprès de plusieurs sources internes. Cela va du simple blâme au licenciement. Contacté mercredi, l’établissement n’a pas répondu à nos questions.

La mesure touche des collaborateurs actifs dans le financement du négoce international de matières premières, une division principalement basée à Genève. Toujours selon ces sources, la décision serait liée au différend qui oppose les autorités américaines à la banque et qui a pris un tour nouveau ces derniers jours.

L’activité de financement du négoce est dans le viseur de la justice américaine depuis 2010. En cause: des transactions effectuées avec des pays visés par des sanctions américaines – l’Iran et le Soudan – entre 2002 et 2009. Or, selon le New York Times mardi, les autorités américaines comptent désormais passer à la vitesse supérieure en attaquant «au pénal» la banque française. Tout comme Credit Suisse pour d’autres raisons (lire ci-dessous). Une telle procédure judiciaire représenterait une première outre-Atlantique depuis l’affaire de délits d’initiés qui avait causé la faillite de la banque d’affaires Drexel Burnham Lambert en 1989.

Selon les sources du quotidien new-yorkais, les procureurs souhaitent que BNP Paribas plaide coupable. A condition que cela ne mette pas en péril la banque aux Etats-Unis. «On a vu avec l’affaire Enron ou Worldcom qu’une inculpation représente un arrêt de mort, explique Luc Thévenoz. Les entreprises n’ont plus accès au financement et les clients partent. C’est d’ailleurs pour éviter une inculpation d’UBS en février 2009 que la Finma a ordonné le transfert de 450 dossiers de clients aux autorités américaines», poursuit le directeur du Centre de droit bancaire à l’Université de Genève. Selon lui, on peut donc s’attendre à ce qu’un accord soit un jour annoncé dans le cas de Credit Suisse et de BNP Paribas. «Le montant de l’amende, les sanctions et un éventuel aveu de culpabilité des banques concernées seront alors connus. Mais je pense que cela se fera sans inculpation préalable», conclut-il.

Consciente des risques, BNP Paribas avait lancé une «enquête interne» dès le mois de mars 2012. Dans son rapport annuel 2013 publié le 7 mars dernier, la banque indique avoir effectué une «provision de 1,1 milliard de dollars» (environ 970 millions de francs) afin de couvrir une éventuelle amende, notamment de l’OFAC, l’office fédéral américain chargé de veiller au respect des embargos. Elle précise avoir recensé «un volume significatif d’opérations qui pourraient être considérées comme non autorisées au regard des lois et des règles des Etats-Unis».

Hier cependant, alors que la banque a annoncé un bénéfice net en hausse de 5% à 1,69 milliard d’euros, elle a averti qu’il ne «pouvait être exclu que la pénalité excède très significativement la provision constituée». Selon plusieurs sources internes, un montant de 2 et 3,5 milliards de dollars circule au sein de l’établissement.

De son côté, la banque a toujours affirmé que les opérations qui lui étaient reprochées n’étaient «pas interdites par la réglementation des pays des entités du groupe qui les ont initiées», soit en Suisse et en Europe. A l’inverse, les Etats-Unis considèrent que ces transactions ont été effectuées en dollars, via le système financier américain, et qu’ainsi elles ont violé les sanctions imposées par Washington.

A la bourse de Paris, les investisseurs se sont montrés inquiets hier, le cours de l’action BNP Paribas ayant perdu 3,2%.

«On a vu avec l’affaire Enron ou Worldcom qu’une inculpation représente un arrêt de mort»