Le Temps: Comment analysez-vous la liste des réformes annoncées à l’issue du 3e plénum?
Roland Decorvet: Sur le plan politique, la réunion consacre le renforcement de l’autorité du secrétaire général, Xi Jinping. Depuis Deng Xiaoping, la Chine était gouvernée sur le principe du consensus, un peu comme au Conseil fédéral, avec pour objectif d’éviter un leadership trop fort. Le système a aujourd’hui atteint ses limites. Pour imposer des réformes, il faut s’en donner les moyens, et je pense que tel était l’objectif du plénum. Les réformes mises en avant ont toutes un aspect politique. Elles concernent en particulier le droit foncier, l’urbanisation, la démographie et le système judiciaire. Des petits pas en avant qui, à mon avis, sont très encourageants. Economiquement, la réforme du secteur financier est très attendue, avec à la clé une amélioration de l’accès au crédit pour les PME et une ouverture du monopole des entreprises d’Etat. Leur capital devrait même être ouvert aux étrangers, une mesure à laquelle je ne m’attendais pas. Pour Nestlé et le secteur des matières premières agricoles, c’est la réforme du droit foncier en milieu rural qui compte le plus. Ce pays a besoin de développer bien davantage son agriculture, qui doit devenir plus moderne, plus professionnelle. La taille des fermes doit augmenter, les paysans doivent pouvoir vendre leurs terres.
– Dans le plan directeur des réformes, les terres restent cependant propriété collective. – Nous avons quand même affaire à un parti communiste, et le droit foncier privé n’est pas très compatible avec l’idéal communiste. Le parti a l’habitude de jouer au grand écart sur le plan rhétorique, et cette fois l’écart commence à devenir très grand, mais les Chinois sont avant tout pragmatiques. Il existe cependant d’autres régimes de propriété foncière que celui que nous connaissons en Europe continentale, comme par exemple les terres de la Couronne en Grande-Bretagne.
– Les réformes renforcent-elles votre confiance en l’avenir, en tant que président de Nestlé Chine?
– Le programme de réformes confirme notre foi dans les possibilités qu’offre ce pays. Nous nous concentrons ici sur le marché intérieur uniquement. Les entrepreneurs qui sont en Chine pour fabriquer à bon marché pour l’exportation doivent se faire du souci. Mais, pour le marché domestique, je pense que l’avenir est radieux, même s’il y a des hauts et des bas comme dans tous les cycles. Les politiques consistant à développer la demande intérieure, à urbaniser le pays, à augmenter les salaires afin de renforcer le pouvoir d’achat ainsi que l’abolition de la politique de l’enfant unique sont autant de facteurs qui tendent vers une augmentation de la consommation domestique. Ces éléments sont favorables à Nestlé.
– Dans quelle mesure l’assouplissement de la politique de l’enfant unique est-il une bonne nouvelle pour Nestlé?
– Selon les chiffres officiels, on comptabilise 18 millions de naissances chaque année en Chine. Avec l’assouplissement, on estime le nombre de bébés supplémentaires entre 1 et 2 millions par an. C’est positif pour nous, pas seulement pour les produits infantiles, mais aussi parce que cela promet davantage de consommateurs.