Alimentation
L’entrée en fonction, en janvier, du nouveau patron Mark Schneider, en provenance du monde pharmaceutique, ne modifiera pas la trajectoire du paquebot Nestlé en 2017

Ceux qui attendaient un changement de cap rapide du paquebot Nestlé qui a engrangé 89,5 milliards de francs de recettes l’an dernier (+ 0,8%) seront déçus. Pour la première fois dans l’histoire plus que séculaire du groupe suisse, le nouveau capitaine, Mark Schneider, vient d’un autre monde, celui de l’industrie pharmaceutique et des équipements médicaux. «C’est vrai, la santé est un domaine différent de celui des biens de consommation courants, mais il y a aussi des similitudes», confie-t-il. L’ancien dirigeant de Fresenius, qui a fait le succès de cette entreprise grâce à de nombreuses acquisitions ciblées, a cependant longuement insisté jeudi à Vevey sur le fait que rien n’allait changer. Du moins pas tout de suite.
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Les investisseurs et les analystes, qui se lassaient de voir l’objectif de croissance organique de 5 à 6% à chaque fois manqué ces dernières années, devront prendre encore un peu leur mal en patience. Ce qui était présenté comme l’un des piliers du modèle Nestlé, qui joue sur sa présence jusqu’aux coins les plus reculés de la planète et la multiplicité de ses activités, de la nourriture pour animaux aux compléments alimentaires pour diabétiques, en passant par le chocolat, le café ou les aliments surgelés, a des ratés au redémarrage.
Une année de transition
2017 ne fera pas exception. «Nous prévoyons une croissance organique entre 2% et 4%», lance Mark Schneider. Cette année sera donc une année de transition, alors que l’objectif de 5% à 6% est visé à l’horizon 2020. Quelles seront les nouvelles recettes du Dr Schneider? «Nestlé doit jouer à la fois sur la croissance de son chiffre d’affaires et celle de sa marge bénéficiaire. Il faudra mieux saisir rapidement les opportunités du marché, sur chaque marché. Et il y en a beaucoup en ce moment car les besoins des consommateurs sont en mutation», répond le nouveau patron, d’une voix calme au débit rapide et précis.
Mais encore? «La nourriture saine sera toujours le moteur de nos affaires et je ne négligerai pas des activités comme les surgelés qui permettent justement de conserver la valeur des produits, ou la confiserie, dont la consommation modérée ne nuit pas à la santé. Tout en poursuivant ces activités, il s’agira de développer fermement les domaines liés très directement à la restauration de la santé comme Nestlé Health Science ou les activités de Nestlé Skin Health pour les soins de la peau». Aucun objectif chiffré n’a cependant été précisé pour ces domaines d’affaires. Nestlé Health Science a dû absorber l’an dernier d’importants coûts de restructuration qui ont pesé sur la marge bénéficiaire.
Nestlé ne publie pas le détail de ce qu’il place dans «autres activités». Sous ce chapitre, qui a dégagé des ventes de 14,1 milliards de francs l’an dernier et une marge opérationnelle de 15,2%, figurent aussi bien le commerce très rentable de Nespresso que celui, plus complexe, de Nestlé Health Science.
L’Oréal, un investissement «stratégique»
Mark Schneider s’étant fait une réputation de fin renard en matière d’acquisitions, la question concernant l’utilisation qui pourrait être faite de la part de Nestlé dans l’Oréal, qui vaut quelque 25 milliards de francs, lui a été posée. «Rien ne change. Il n’y a rien à annoncer, si ce n’est répéter que notre part dans l’Oréal est un excellent investissement financier qui a aussi un caractère stratégique». Le nouveau patron de Nestlé explique par ailleurs qu’il sera très prudent en matière d’achat de sociétés. «Je me méfie des grosses acquisitions qui ont, dans le passé, contribué à créer une bulle qui a fini par éclater. Toute acquisition doit d’abord être ciblée et correspondre à un objectif stratégique précis. Elle doit aussi pouvoir être réalisée à un prix adéquat. Une telle opération ne doit jamais être un but en soi. La croissance organique reste, selon moi, l’objectif principal. Nestlé ne tentera pas de créer un événement en matière de fusions et acquisitions».
Les chiffres de l’année 2016, publiés jeudi, sont globalement au-dessous des attentes des analystes financiers. Avec une croissance organique de 3,2% (4,2% en 2015) et interne réelle, sans effet des prix, de 2,4%, le groupe Nestlé déçoit plusieurs analystes. La marge opérationnelle, par contre, progresse en passant de 15,1% à 15,3%. Elle devrait rester stable cette année en raison de l’augmentation des efforts de restructuration dont les coûts sont attendus à 500 millions de francs, contre 300 millions l’an dernier.